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Modifications post-traductionnelles des protéines
Ubiquitination : mécanismes
Conjugaison de l’ubiquitine par les enzymes E2

Sommaire

définition

L’enzyme de conjugaison E2 reçoit l’ubiquitine activée par E1 et la transfère vers la ligase E3, assurant la continuité du cycle enzymatique d’ubiquitination.

L’ubiquitine doit, pour se fixer sur la protéine cible, processus appelé ubiquitination ou ubiquitinylation, recourir à une succession coordonnée d’enzymes spécifiques agissant de manière séquentielle.

  • L'enzyme d’activation (E1) active l’ubiquitine par une réaction ATP-dépendante pour former un intermédiaire thioester (E1~Ub).
  • L'enzyme de conjugaison (E2) reçoit ensuite l’ubiquitine activée depuis E1 pour générer le complexe E2~Ub.
  • L'enzyme ligase (E3) reçoit le complexe E2~Ub, reconnaît le substrat, oriente les partenaires et catalyse la formation de la liaison isopeptidique reliant l’ubiquitine à la protéine cible.

Ces trois étapes s’enchaînent de manière ordonnée pour aboutir à la formation d’un pont isopeptidique entre la glycine C-terminale (G76) de l’ubiquitine et une lysine du substrat, assurant ainsi la fixation covalente du signal ubiquitine.

Modèle du cycle catalytique canonique de E1
Modèle du cycle catalytique canonique de E1
(Figure : vetopsy.fr d'après Straton et coll)

E2 (ubiquitin-conjugating enzyme)

Principes généraux

1. E1 recrute une enzyme de conjugaison E2 (E2 ubiquitin-conjugating enzyme), appelée aussi UBC ou UBE2 (The family of ubiquitin-conjugating enzymes (E2s): deciding between life and death of proteins 2010).

Structure d'une E2 : Ube2S
Structure d'une E2 : Ube2S
(Figure : vetopsy.fr d'après Lorenz)

a. E1 transfère le thioester d'ubiquitine à la cystéine par trans-thiolation ou trans-thioestérification (Structural Insights into E1-Catalyzed Ubiquitin Activation and Transfer to Conjugating Enzymes 2008).

b. Ce transfert est précédé d’un changement conformationnel d’E1, rapprochant les cystéines catalytiques des deux enzymes, ce qui permet (loupe figure ci-dessus) :

  • la migration du thioester,
  • le relargage d’E1.

2. L’enzyme E2, désormais liée de manière transitoire à l’ubiquitine (complexe E2~Ub), collabore avec une E3-ubiquitine ligase (UBE3) pour :

3. On connait 11 E2 chez la levure et près d'une trentaine chez l'homme : plus d'une centaine ont été décrites (cf. Wikipedia) présentent une diversité fonctionnelle remarquable.

Certaines sont ubiquitaires, d’autres spécialisées dans des voies précises comme :

E2 (nom
usuel)
Syno-
nyme(s)
E3
associée(s)
Fonction principale / voie impliquée
UBE2R1/
UBE2R2
Cdc34 SCF E2 canonique du SCF impliquée dans :
  • la formation rapide de chaînes K48
  • la dégradation des CKI (p27Kip1)
  • la régulation G1/S
  • l'ubiquitination de nombreux substrats phosphorylés.
UBE2D1
-D4
UbcH
5a -d
E2 polyvalentes impliquées dans :
  • la dégradation de p53
  • la régulation du cycle cellulaire
  • la régulation des récepteurs tyrosine kinase
UBE2C UbcH10 APC/C
  • Ubiquitination des sécurines et des cyclines mitotiques
  • Contrôle de la transition métaphase-anaphase.
UBE2N Ubc13 +
Uev1A
  • TRAF6
  • RNF8

Formation de chaînes K63 impliquées dans :

UBE2G1/
UBE2G2
Ubc7
  • HRD1
  • gp78 (E3
    ERAD)
Ubiquitination des protéines mal conformées
du réticulum endoplasmique (voie ERAD)
UBE2J1/
UBE2J2
  • HRD1
  • Sel1L
Premières ubiquitinations sur les substrats ERAD
avant allongement des chaînes par UBE2G2
ATG3 ATG7 (E1
autophagique)
  • Conjugaison de la protéine UBL ATG8/LC3 à la
    phosphatidyléthanolamine
  • Formation de la membrane autophagosomale.
BIRC6 BRUCE E2/E3 hybride participant à la conjugaison d'UBL
et à la régulation de l'apoptose
UFC1 UFL1 E2 du système UFM1 (ubiquitin-like), impliquée dans
la traduction et la réponse au stress du réticulum endoplasmique

Structure des E2

Les enzymes E2 partagent une organisation structurale conservée centrée sur un domaine catalytique UBC (Ubiquitin-Conjugating), auquel peuvent s’ajouter des extensions N- ou C-terminales qui modulent leur spécificité et leurs interactions.

Domaine catalytique UBC

1. Le domaine UBC, domaine de conjugaison à l'ubiquitine d'environ 150 acides aminés, à structure compacte ellipsoïde, comprend (Crystal Structure of a Ube2S-Ubiquitin Conjugate 2016 et E2S: structurally economical and functionally replete 2011) :

1. La cystéine du site actif, au centre du domaine, est entourée d'acides aminés hautement conservés.

a. Ces résidus interviennent à deux niveaux :

  • lors de la formation de la liaison thioester avec l’ubiquitine, transférée depuis l’enzyme E1,
  • lors du transfert ultérieur de cette ubiquitine vers le substrat, en maintenant la réactivité du site catalytique et la conformation adéquate pour la formation de la liaison isopeptidique sous le contrôle de l’E3 ubiquitine ligase.

b. Parmi eux, le motif HPN (His-Pro-Asn), situé environ dix résidus avant la cystéine active, constitue un élément structural clé (Architecture of the catalytic HPN motif is conserved in all E2 conjugating enzymes 2012).

  • L’histidine contribue à stabiliser la conformation locale du site catalytique, tandis que l'asparagine (Asn) participe à la triade catalytique en modulant le microenvironnement acido-basique nécessaire à l’activation du substrat.
  • Par exemple, dans l’enzyme Ube2I, les résidus Asn85, Tyr87 et Asp127 jouent un rôle déterminant dans la réduction du pka de la lysine du substrat, facilitant ainsi l'attaque nucléophile sur la liaison thioester E2~Ub (ou E2~SUMO) et la formation de la liaison isopeptidique finale.

Motifs conservés et régulation catalytique

Le site actif des E2 comprend, selon les isoformes, un aspartate ou une sérine formant le motif CES/D ou Conserved E2 Serine/Aspartate (E2 superfamily of ubiquitin-conjugating enzymes: constitutively active or activated through phosphorylation in the catalytic cleft 2015).

Coordination entre RanGAP1 et Ube21
Coordination entre RanGAP1 et Ube21
(Figure : vetopsy.fr d'après Valimberti)

1. La taille et la charge négative de ce résidu, i.e. aspartate ou sérine phosphorylée par exemple dans Ube2a ou Rad6, permettent d’aligner la lysine du substrat avec la cystéine catalytique de l’E2, optimisant la géométrie du site actif et donc l’efficacité de l’ubiquitination.

Les E2 contenant une sérine peuvent ainsi être régulées par phosphorylation, introduisant un niveau de contrôle post-traductionnel supplémentaire.

b. Dans Ube2I, outre l’aspartate D127 du motif CES/D, d’autres résidus participent à la stabilisation du site catalytique.

  • L’acide glutamique 98 (Glu98) forme un trident électrostatique avec la lysine du substrat et D127,
  • La tyrosine 87 (Tyr87), par sa chaîne aromatique latérale, maintient la lysine dans la cavité catalytique et stabilise la transition menant à la formation de la liaison isopeptidique.

Interfaces d’interaction avec l’ubiquitine, E1 et E3

Les enzymes E2 assurent la coordination centrale entre l’activation de l’ubiquitine par E1 et son transfert final catalysé par les E3 ubiquitine ligases.

Elles interagissent successivement avec ces partenaires par l’intermédiaire de surfaces partiellement chevauchantes, ce qui impose un cycle précis de fixation et de libération.

Liaisons des E2 avec l'ubiquitine et les E3
Liaisons des E2 avec l'ubiquitine et les E3
(Figure : vetopsy.fr d'après Lorenz et Wenzel)

1. L’E2 doit être dissociée de l’E1 avant de pouvoir interagir avec une E3 et, réciproquement, libérée de l’E3 pour être rechargée en ubiquitine (E2 conjugating enzymes must disengage from their E1 enzymes before E3-dependent ubiquitin and ubiquitin-like transfer 2005).

Les interfaces d’interaction canoniques comprennent :

  • des résidus de l’hélice N-terminale (H1) et des boucles 4 et 7 (L4 et L7, parfois désignées L1 et L2), qui assurent les contacts principaux avec E1 et E3 ;
  • un site secondaire " backside ", opposé au site catalytique, pouvant fixer une ubiquitine non covalente ou un domaine UBD, jouant un rôle dans la régulation de la polyubiquitination ;
  • selon les isoformes, des extensions C-terminales ou même la cavité catalytique elle-même peuvent servir de points d’interaction alternatifs (E2S: structurally economical and functionally replete (2011).

2. Ces variations topologiques expliquent la plasticité fonctionnelle des E2 et leur capacité à interagir avec des familles d’E3 très différentes, tout en conservant un cœur catalytique commun.

bien

Les mécanismes et la régulation des E3 sont étudiés dans un chapitre spécifique.

Extensions N- et C-terminales

Les E2 possèdent des extensions N- et C-terminales spécifiques, qui modulent leurs propriétés structurales et leur spécificité fonctionnelle.

Ubiquitinations par les HECT et les RING
Ubiquitinations par les RING et les HECT
(Figure : vetopsy.fr)

1. Ces régions flexibles, parfois désordonnées, influencent leur stabilité, leur localisation subcellulaire et leur sélectivité d’interaction avec les E3 ubiquitine ligases.

2. Ces extensions expliquent la grande diversité fonctionnelle des E2, plus de 600 isoformes ont été identifiées chez l’Homme, et leur adaptation à des voies ubiquitine-dépendantes spécifiques.

Ainsi, UBE2C/UbcH10, partenaire de l’APC/C (Anaphase-Promoting Complex/Cyclosome), illustre cette spécialisation.

Son expression accrue perturbe la ségrégation chromosomique et favorise la tumorigenèse (Overexpression of the E2 ubiquitin-conjugating enzyme UbcH10 causes chromosome missegregation and tumor formation 2010).

E3 ubiquitine ligases