Citation
« Si nous contemplons ce monde et les créatures
qu’il renferme, nous y reconnaîtrons une ordonnance parfaite,
un système régulier, une liaison de causes et d’effets,
la connexion qui existe entre les diverses catégories d’êtres
et la transformation de certains êtres en d’autres : c’est
une suite de merveilles qui n’a pas de fin et dont on ne saurait indiquer
les limites. »
Ibn Khaldoun
Pour comprendre le courant évolutionniste, il nous faut tout d'abord envisager les forces en présence lorsque Charles Darwin (1809-1882) fit paraître, en 1859, le « maudit livre » qui l'a « presque tué » : " l'Origine des Espèces " ( infos).
A cette époque, deux grands courants s'opposent :
Le courant évolutionniste (
infos), déjà apparu avant Aristote
(382-324 av. JC) et issu de l'approche zoologique (du grec zôon, animal,
et logos science), est développé par les scientifiques musulmans
au Moyen Age.
Le sens du terme " évolution " a varié avec les époques.
« Le papillon, comme le poulet,
parvient à l'état de perfection par une évolution dont
les Malpighi, les Swammerdam, les Réaumur nous ont dévoilé
les degrés…Tant de faits divers que j'ai rassemblés
dans cet ouvrage en faveur de l'évolution, prouvent assez que les
corps organisés ne sont point proprement engendrés, mais qu'ils
préexistaient originairement en petit. » Charles Bonnet
dans " Considérations sur les corps organisés "
écrit en 1762 (
infos).
Ni Lamarck, ni Darwin, qui sont épigénétistes, n'ont employé ce terme. Ce n'est qu'Herbert Spencer (1820-1903) le premier, puis Thomas Huxley (1825-1895) qui l'ont diffusé sous sa forme actuelle.
L'évolution est une série de transformations (c'est pour cela
que nous pouvons employer transformisme ou évolutionnisme) qui ont
conduit à l'apparition, puis à la diversification des espèces
par filiation à partir d'une même forme de vie primitive.
Aristote (382-324 av. JC), bien que fixiste, donne une vision unifiée des êtres vivants car, pour lui, tous les animaux ont une âme. « L'âme est cause et principe des corps vivants. » (De An. II, 4, 415, b).
Aristote est un des premiers à parler de l'échelle des êtres et du passage graduel « des êtres inanimés aux animaux, par des êtres qui vivent sans être proprement des animaux. » ( infos).
« Que si quelqu'un était porté à
mépriser comme au-dessous de lui l'étude des autres animaux,
qu'il sache que ce serait aussi se mépriser soi-même ; car
ce n'est pas sans grande difficulté qu'on parvient à connaître
l'organisation de l'homme, sang, chairs, os, veines, et tant d'autres parties
de même genre. » (Traité des Parties des Animaux, livre
I, chap. V).
Déjà, Anaximandre de Milet (610-545 av. JC) pensait que la vie provenait du milieu aquatique (il prenait en compte les fossiles des coquillages marins retrouvés à l'intérieur des terres). Pour lui, les hommes descendaient des poissons.
« Les premiers êtres vivants se sont formés dans l'humidité primitive en conséquence de l'évaporation, donc dans un mélange de terre, d'air et d'eau. Au début, tous étaient semblables à des poissons et enveloppés d'une membrane écailleuse. En avançant en âge, ils s'élevaient jusqu'à la région déjà asséchée, où débarrassés de leurs écailles, ils continuaient à vivre, mais pendant peu de temps. L'homme provient donc d'animaux d'espèces différentes. »
Anaximandre suit Thalès (625 -547 av. JC), l'inventeur de la philosophie, qui a « dit que l'eau est à l'origine de toute chose et aussi que le dieu, c'est l'intelligence qui fait tout avec l'eau. » Cicéron (de le nature des dieux).
Empédocle d'Agrigente (490-435 av. JC) avait pressenti l'idée que des organismes différents vivaient dans le passé et que la création originelle est due au hasard, contrairement à Aristote.
Jules Barthélemy-Saint-Hilaire (1805-1895) écrit, en 1883, dans la préface de " l'Histoire des Animaux " d'Aristote ( infos) : « Ce qu'il y a peut-être de plus remarquable dans Empédocle, c'est le pressentiment qu'il semble avoir eu de cette création primordiale que les fossiles nous ont révélée récemment. Mais le peu qu'en dit le poète sicilien et le chaos d'êtres, de formes et d'éléments qu'il imagine à l'origine des choses, sont des données tellement vagues, et tellement arbitraires, qu'Aristote n'en a pu rien tirer, et que nous-mêmes, malgré toutes les lumières nouvelles, nous ne pouvons pas estimer ces données plus qu'il ne les estime. Au fond, Empédocle croit au hasard dans cette création spontanée des êtres ; et il y a peu de doctrines aussi antipathiques que celle-là aux croyances inébranlables d'Aristote, vantant sans cesse la divine prévoyance de la nature dans toutes ses oeuvres. »
Nous pouvons citer d'autres exemples dont certains sont surprenants comme :
« Aucun organe de notre corps n'a été créé pour notre usage, mais c'est l'organe qui crée l'usage. Ni la vision n'existait avant la naissance des yeux, ni la parole avant la création de la langue. C'est bien plutôt la naissance de la langue qui a précédé de loin celle de la parole ; les oreilles existaient bien avant l'audition du premier son ; bref, tous les organes, à mon avis, sont antérieurs à l'usage qu'on en a pu faire. Ils n'ont donc pu être créés au vue de nos besoins. Il faut le concours de bien des circonstances pour que les espèces puissent, en se reproduisant, se propager ; d'abord, des moyens de se nourrir… Nombreuses furent les espèces qui durent disparaître et qui ne purent en se reproduisant se créer une descendance. Car toutes celles que tu vois jouir de l'air vivifiant possèdent ou la ruse, ou la force, ou enfin la vitesse, qui, dès leur origine, ont assuré leur protection et leur salut. »
Les savants et les philosophes islamistes, après la décadence
romaine, ont récupéré et développé les
théories évolutionnistes (
infos).
Al-Jahiz (776-868), dans son " livre des animaux " (Kitab al-Hayawan), décrit une évolution articulée selon trois mécanismes principaux (la lutte pour l’existence, la transformation d’espèces vivantes, l’influence de l’environnement naturel) marquant l’unité de la nature et les rapports entre divers groupes d’êtres vivants.
C'est le premier qui aborda l'évolution biologique en partant des organismes les plus simples pour finir par les plus complexes. Cette étude allait dans le sens inverse des " scientifiques " anciens qui commençaient toujours par l'homme pour aller vers les organismes les plus simples.
Si vous voulez suivre l'évolution de la zoologie, lisez la fin de la préface de " l'Histoire des Animaux " d'Aristote ( infos), écrite en 1883 par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire (1805-1895) : il retrace avec minutie tous les apports des prédécesseurs d'Aristote dont il est un grand spécialiste. A la fin, vous retrouverez l'écho de la bataille entre fixistes et transformistes. Nous reprendrons en partie ses textes pour éclairer les arguments fixistes ( infos).
« Depuis un demi-siècle que Cuvier est mort, la zoologie n'a pas produit de système qui rallie tous les suffrages et qui fasse loi. Mais au milieu des innombrables observations de détail, et des monographies que chaque jour amène, et qui s'amoncèlent sans fin et sans ordre, une tendance se manifeste ; c'est de changer le point de départ de la science entière, et au lieu de la faire commencer par l'homme, avec Aristote, Pline, Linné, Buffon et Cuvier, on la fait, au contraire, aboutir en dernier lieu à cet être, le plus parfait de tous. On étudie d'abord les êtres les plus élémentaires, pour monter graduellement jusqu'à lui. On débute par les Protozoaires pour finir par les Primates, parmi lesquels on range l'homme, à la tête des singes. Comme l'organisation des Protozoaires ou Protistes, à l'extrême limite, est ce qu'il y a de moins complexe dans la vie animale, et que cette organisation consiste en une matière informe et purement contractile, on a cru y trouver, avec le degré le plus infime de l'animalité, le premier degré de la classification ; et c'est sur cette base étroite et obscure qu'on a essayé d'asseoir tout l'édifice. Ce renversement radical de la méthode a eu deux conséquences excessivement graves : la première, de confondre deux règnes, qui semblaient devoir être à jamais distincts, l'animal et la plante; et la seconde, de donner, de ce grand problème de la vie, une explication fausse et dangereuse…
Dans l'état présent des choses, l'être vivant vient toujours d'êtres semblables à lui; la vie vient toujours de la vie ; ou, comme s'exprime Aristote : « L'homme engendre l'homme. » Sur cette pente, la botanique et la zoologie en arrivent à n'être plus qu'une seule et unique science ; la vie, qui réside dans l'objet de l'une et de l'autre, suffit pour les unifier ; et les anciens règnes de la nature sont réduits de trois à deux… On est allé encore plus avant ; et le végétal ayant tout aussi bien que l'animal des organes et des tissus, qui, d'élimination en élimination, ont pour substance dernière une Cellule, c'est la Cellule qui est prise indistinctement pour la première forme des animaux et des plantes, et pour l'organisme le pus simple dans l'un et l'autre règne, ou plutôt dans un règne unique, formé des deux. C'est elle qui renferme la vie à son état embryonnaire et universel. La Cellule a les facultés de se nourrir et d'excréter ; elle croît et se meut ; elle se modifie et se multiplie. On proclame donc que « la Cellule est la forme organisée particulière à la vie, et que la vie est dans l'activité propre de la Cellule »…
Bien plus, on déclare ce pleinement justifiée l'hypothèse d'après laquelle les êtres les plus simples se seraient formés, à une certaine époque, au sein de la matière inorganique ; et l'on conclut hardiment que les éléments chimiques de la matière sont les mêmes que ceux qui entrent dans la composition des organismes. Cette théorie, tendant à faire naître la vie d'éléments chimiques et physiques, qui cependant ne contiennent pas la vie, n'est peut-être pas aussi originale qu'on le croit ; elle ne fait que nous reporter à ces temps où la philosophie grecque essayait ses pas chancelants, avant qu'Anaxagore ne vînt faire briller dans ces épaisses ténèbres, le rayon de l'Intelligence, qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait aperçu. Le système de la Cellule retourne ainsi à deux ou trois mille ans en arrière. Bannir l'intelligence de cet univers, pour lui substituer l'action de la matière, c'est invoquer encore une fois le Chaos, qu'il faudrait laisser aux poètes et ne pas imposer à la science. D'ailleurs, ces questions appartiennent moins à la zoologie qu'à la métaphysique ; car l'origine de la vie touche de bien près à l'origine des choses …
On pensera peut-être qu'il ne convient pas d'attacher tant d'importance à cette question d'ordre, et qu'il est assez indifférent de commencer par la Cellule, en finissant par les Primates, ou de commencer par l'homme, en finissant par les Protozoaires. Mais il y a ici une considération capitale que la raison ne peut à aucun prix écarter. Si l'on exile l'intelligence de l'origine des choses, si la vie avec tous ses développements matériels et moraux naît simplement de l'action des forces chimiques, comment peut-on s'imaginer qu'on retrouvera plus tard l'intelligence dans l'homme, à qui l'on ne saurait pourtant la refuser ? Comment de la Monère arriver, par une suite non interrompue de transformations, par l'Évolutionnisme, aux chefs-d'oeuvre de l'esprit humain, et aux qualités morales qui sont la grandeur et l'apanage exclusif de notre espèce ? Il est vrai qu'on a toujours la ressource de confondre l'intelligence avec l'instinct, qui est encore de l'intelligence à un moindre degré. Mais cet expédient même ne sert de rien; car l'instinct, tout inférieur qu'il est, ne s'explique pas plus que l'intelligence à son degré le plus sublime ; l'instinct ne sort pas plus qu'elle de la Monère et de la Cellule ; ou, s'il en sort par voie de transmutations successives, le germe qui recèle de si merveilleux développements, et les mystères d'une évolution si productive, n'est pas moins surprenant, ni moins admirable, que l'être supérieur qui en est le terme le plus accompli. La Cellule, douée de ces inconcevables puissances, est encore plus incompréhensible que le Créateur, dont on voudrait se passer; et la théorie de la création a cet avantage éminent que, plaçant l'intelligence à l'origine, on n'a plus aucune peine à en retrouver les traces dans la nature, et à l'y constater comme le veut Aristote, et comme la raison le veut avec lui ; car l'effet ne peut avoir ce que la cause n'a pas. »
Ali ibn Abbas al-Majusi (?-982 ou 994) dit Haly Abbas et les Frères de la pureté (Ikhwan al-Safa) au Xe siècle décrivent dans une section de l'Épître des frères de la pureté ( infos) la création du monde.
La Nature et l'influence des astres ont combiné les quatre éléments et fait apparaître, par une véritable évolution, minéraux, puis végétaux, puis animaux, et enfin l'homme. Tous ces êtres sont doués d'âmes qui sont des facultés de l'âme universelle ou de la Nature, elle-même d'ailleurs faculté de l'âme ( infos).
Another section describes the creation of worlds and the evolution of life in details that would have impressed Darwin. It explains how manifestation unfolds through successive layers, or stratified planes down to the mineral kingdom. Where, in this lowest kingdom, the most developed mineral entities live within its highest strata and blend imperceptibly into the next higher or vegetable kingdom. Likewise the vegetable kingdom contacts, at its highest level, the animal kingdom, whose culmination is man. The most evolved men contact higher spheres and, standing between the angelic and animal orders, serve on earth as vicegerents of God ( infos).
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Nasir ad-Din at-Tusi (1201-1274) et Ibn Khaldoun (1338-1405), historien, ont une vision évolutionniste très étendue.
« Regardons ensuite le monde sublunaire : nous verrons qu’il enferme, dans une gradation admirable, les minéraux d’abord, ensuite les plantes, puis les animaux. La catégorie des minéraux touche, par une de ses extrémités, au commencement de la catégorie des plantes, où se trouvent les mauvaises herbes et les végétaux qui ne portent pas semence. L’extrémité de la catégorie des plantes qui renferme le dattier et la vigne est en contact avec la catégorie des animaux où se tiennent les limaçons et les coquillages, êtres qui ne possèdent qu’un seul sens, celui du toucher. En parlant des diverses catégories d’êtres, le mot contact s’emploie pour indiquer que la limite extrême de chaque classe est très disposée à se confondre avec la limite extrême de la classe voisine. Le monde animal est très étendu et se compose d’un grand nombre d’espèces. Dans la gradation des créatures, il a pour dernier terme l’homme, être doué de réflexion et de prévoyance. » voir Prolégomènes première partie p : 229 ( infos)
Connaissances
au XIXeEvolutionnismeAntiquitéMoyen
AgeBuffon
Erasmus
DarwinGeoffroy
Saint-HilaireLamarckTransformisme
de Lamarck
Charles Darwinl'Origine
des EspècesThéorie
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phylogénétique
Systématique
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