Citation
« J'ai donné à ce principe, en vertu
duquel une variation, si insignifiante qu'elle soit, se conserve et se perpétue,
si elle est utile, le nom de sélection
naturelle , pour indiquer les rapports de cette sélection
avec celle que l'homme peut accomplir. Mais l'expression qu'emploie souvent
Mr H. Spencer " la persistance du plus apte ", est plus exacte,
et quelquefois tout aussi commode. » "
Charles Darwin
Documentation web
C'est en 1859 que Charles Darwin (1809-1882) fit paraître le « maudit livre » qui l'a « presque tué » : " l'origine des espèces " ( infos).
Darwin écrit dans son autobiographie : « A
partir de septembre 1854, je consacrai tout mon temps à l'organisation
de mon énorme pile de notes, à l'observation, et à
l'expérimentation en ce qui concerne la transmutation des espèces.
»
A cette époque, deux grands courants s'opposent :
Le courant évolutionniste (
infos), déjà apparu avant Aristote
(382-324 av. JC) et issu de l'approche zoologique (du grec zôon, animal,
et logos science), après la florissant Moyen Age musulman
(
infos), se développe au XVIIIe siècle (
infos).
Nous voyons la nouveauté des idées de Darwin dans la traduction française de son livre en anglais dont le titre entier est : " On the origin of species by means of natural selection, or the preservation of favoured races in the struggle for life ". Le titre est traduit :
Reprenons plusieurs passages qui illustrent bien les idées de Darwin.
«
Les descendants modifiés d'une espèce quelconque réussissent
d'autant mieux que leur structure est plus diversifiée et qu'ils
peuvent ainsi s'emparer de places occupées par d'autres êtres.
Voyons maintenant comment ces avantages, qui résultent de la divergence
des caractères, combinés avec la sélection naturelle
et l'extinction, tendent à agir.
Une représentation graphique nous aidera à comprendre ce sujet
un peu compliqué. Désignons par A à L les espèces
d'un genre considérable dans un pays, espèces que nous supposons
inégalement semblables entre elles, comme cela est généralement
le cas dans la nature, ce que nous figurons dans le tableau en espaçant
inégalement les lettres. Je suppose un grand genre, parce
qu'ainsi que nous l'avons vu au deuxième chapitre une plus forte
moyenne d'espèces varie dans les grands genres que dans les petits,
et que ce sont les espèces variant dans les grands genres qui présentent
le plus grand nombre de variétés. Nous avons également
vu que les espèces les plus communes et les plus répandues,
varient davantage que les espèces rares et dont la distribution est
restreinte. Soit A une espèce commune, largement répandue,
variant beaucoup, et appartenant â un genre considérable dans
sa région ; nous représentons par les lignes ponctuées
divergentes, et d'inégales longueurs partant de A, sa descendance
variable. Les variations sont supposées être légères,
mais de nature très-diverse ; n'avoir pas apparu toutes simultanément,
mais souvent après de longs intervalles ; enfin n'avoir pas eu toutes
une même durée. Seules, ces variations qui ont pu être
avantageuses auront été conservées par sélection
naturelle. C'est ici que l'importance des avantages résultant
de la divergence des caractères se manifeste ; car elle aura pour
effet de déterminer la conservation et l'accumulation des variations
les plus divergentes (représentées par les lignes ponctuées
extérieures) par sélection naturelle. Lorsque la
ligne ponctuée atteint une des lignes horizontales, point marqué
par une lettre minuscule surmontée d'un exposant, nous supposons
que l'étendue de la variation accumulée est suffisante pour
déterminer une variété bien prononcée, de nature
à être consignée comme telle dans un ouvrage de zoologie
systématique.
Les intervalles entre les lignes horizontales peuvent représenter
chacun un millier ou même une dizaine de milliers de générations.
Après ce laps, l'espèce A est supposée avoir produit
deux variétés bien accusées, a1, et m1. Ces deux variétés
continuant généralement, à être exposées
aux conditions mêmes qui ont rendu leurs parents variables, et la
tendance à la variabilité étant en elle-même
héréditaire, elles continueront à varier encore, et
probablement dans un sens semblable à celui de leurs ascendants.
De plus, n'étant que des formes légèrement modifiées,
ces deux variétés hériteront des avantages qui ont
donné à leur parent A sa supériorité numérique
sur la plupart des autres habitants de la localité, et également
des avantages généraux qui ont fait du genre auquel les ascendants
appartenaient, un genre étendu dans le pays. Nous savons que toutes
ces circonstances sont favorables à la formation des variétés
nouvelles. » p : 421-422
Ce dessin est le seul qui soit présent dans " L'Origine des
Espèces ".
« Les naturalistes s'efforcent de disposer
les espèces, genres et familles de chaque classe d'après ce
qu'ils appellent le système naturel. Mais que signifie ce terme ?
Quelques auteurs le considèrent purement comme un plan imaginaire
pour grouper ensemble les choses vivantes qui sont les plus semblables,
et pour diviser celles qui sont le plus dissemblables, ou comme un moyen
artificiel pour énoncer aussi brièvement que possible certaines
propositions générales. En ce cas, il aurait pour but de nous
permettre de renfermer sous une seule proposition les caractères
communs, par exemple, à tous les mammifères; par une autre
ce qui sont communs à tous les carnassiers ; et sous une autre, tous
ceux qui, sont communs au genre Chien ; el enfin, en ajoutant une seule
proposition de plus, d'arriver à donner une description complète
de chaque espèce de Chiens. » p : 500
Pour Darwin, les organismes vivants forment des populations appelées espèces qui ont subi des variations au cours du temps : certaines variations permettent une meilleure " adaptation " des individus à leur environnement. Ceux-ci sont alors avantagés et engendrent une descendance plus nombreuse. La sélection naturelle qui trie les meilleurs individus et la lutte pour la vie permet une évolution lente des espèces (le terme employé par Darwin est " descendance modifiée ") qui deviennent de plus en plus complexes au cours des âges.
« Toutes les difficultés, toutes
les règles et tous les moyens de classification qui précèdent,
s'expliquent, je crois, à moins que je ne me trompe étrangement,
en admettant que le système naturel a pour fondement le principe
de descendance modifiée ; et que les caractères considérés
par les naturalistes comme prouvant des affinités réelles
entre deux espèces ou plusieurs, sont ceux qu'elles ont hérités
d'un commun parent. Toute classification vraie est donc essentiellement
généalogique ; la communauté d'origine est le lien
caché que les naturalistes ont inconsciemment cherché sous
prétexte de découvrir quelque mystérieux plan de création,
d'énoncer seulement des propositions générales, ou
de rassembler des choses semblables et de séparer des choses différentes.
Mais je dois m'expliquer plus complètement. Je crois que l'arrangement
des groupes dans chaque classe, selon le rang de subordination qui leur
est dû, par rapport à d'autres groupes, doit être exactement
généalogique, afin d'être naturel ; mais j'admets aussi
qu'entre les différentes branches ou groupes alliés au même
degré de consanguinité avec leur commun pro-géniteur,
la somme des dissemblances actuelles peut différer considérablement,
selon le nombre et l'importance des modifications qu'ils ont subies. C'est
ce qu'on exprime en rangeant la série entière des formes connues
sous différents genres, familles, sections ou ordres…
A mon point de vue, le système naturel est donc ramifié comme
un arbre généalogique ; mais la valeur des modifications que
les différents groupes ont subies doit s'exprimer par leur arrangement
en ce qu'on nomme genres, sous-familles, familles, sections, ordres et classes.
» p : 515 et suivantes
Que faut-il retenir de ce passage essentiel de " L'Origine des espèces " ?
1. Darwin pense à une sélection naturelle et une descendance avec modifications.
« Si des variations utiles à un être organisé apparaissent, les individus affectés doivent assurément avoir une meilleure chance de l'emporter dans la lutte pour l'existence, de survivre, et, en vertu de l'hérédité, de produire des descendants semblablement caractérisés. C'est ce principe de conservation, de survivance du mieux adapté, que j'appelle sélection naturelle. Il conduit à l'amélioration de chaque être dans ses rapports avec les conditions organiques et inorganiques dans lesquelles il vit ; et, par conséquent, vers ce qu'on peut, dans la majorité des cas, considérer comme un état progressif d'organisation. » p : 145
Darwin n'a Jamais prononcé le terme " évolution "
(
infos).
2. Les organes homologues chers à Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1818) et Georges Cuvier (1769-1832) sont hérités d'un parent commun ( infos).
3. L'arbre phylogénétique de Darwin explique :
4. L'évolution est graduelle et il faut un nombre énorme d'années (« chacun un millier ou même une dizaine de milliers de générations » pour que des changements morphologiques apparaissent. La nature ne fait pas de saut comme disait Leibniz (1646-1716).
Cette théorie fit grand bruit par ses implications religieuses (
infos) et bouleversa, par la suite, toutes les sciences du vivant (
infos).
5. Darwin pensait comme Lamarck (1744-1829) qu'il y avait transmission des caractères acquis ( infos) et que, même s'il s'en défendait, l'environnement et les habitudes pouvaient modifier les espèces.
Darwin complétera sa théorie par :
Des germes contenus dans chaque cellule vivante, qu'il appelle gemmules ( infos), spécifiques de chaque type cellulaire (nerf, muscle…), migrent dans les cellules reproductrices. « Elles sont transmises par les parents à leurs descendants, se développent généralement dans la génération qui suit immédiatement, mais peuvent souvent se transmettre pendant plusieurs générations à un état dormant, et se développer plus tard… Les gemmules sont émises par chaque cellule ou unité, non seulement pendant l'état adulte, mais aussi pendant tous les états de développement… Enfin, je suppose que dans leur état dormant, les gemmules ont les unes pour les autres une affinité mutuelle, d'où résulte leur agrégation en bourgeons ou en éléments sexuels. ». La multiplication des gemmules provenant du mâle et de la femelle, après la fécondation, sera à l'origine du développement de l'embryon. Les gemmules peuvent ou non s'exprimer, ce qui permet à Darwin d'expliquer les " caractères latents ", c'est-à-dire le retour à des caractères ancestraux, les résultats des croisements ou la transmission des caractères acquis.
«
Nous n’avons toutefois à nous occuper ici que de la
sélection sexuelle. Cette sélection dépend de l’avantage
que certains individus ont sur d’autres de même sexe et de même
espèce, sous le rapport exclusif de la reproduction. Lorsque
la conformation diffère chez les deux sexes par suite d’habitudes
différentes, comme dans les cas mentionnés ci-dessus, il faut
évidemment attribuer les modifications subies à la sélection
naturelle, et aussi à l’hérédité limitée
à un seul et même sexe. Il en est de même pour les organes
sexuels primaires, ainsi que pour ceux destinés à l’alimentation
et à la production des jeunes ; car les individus capables de mieux
engendrer et de mieux protéger leurs descendants doivent en laisser,
cæteris paribus, un plus grand nombre qui héritent de leur
supériorité, tandis que ceux qui les engendrent ou les nourrissent
dans de mauvaises conditions n’en laissent qu’un petit nombre
pour hériter de leur faiblesse…
Lorsque les deux sexes ont exactement les mêmes habitudes d’existence,
et que le mâle a les organes des sens et de la locomotion plus développés
qu’ils ne le sont chez la femelle, il se peut que ces sens perfectionnés
lui soient indispensables pour trouver la femelle.
Mais, dans la grande majorité des cas, ces organes perfectionnés
ne servent qu’à procurer à un mâle une certaine
supériorité sur les autres mâles, car les moins privilégiés,
si le temps leur en était laissé, réunissaient tous
à s’apparier avec des femelles sous tous les autres rapports,
à en juger d’après la structure des femelles, ces organes
seraient également bien adaptés aux habitudes ordinaires de
l’existence. La sélection a dû évidemment intervenir
pour produire les organes auxquels nous faisons allusion, car les
mâles ont acquis la conformation qu’ils ont aujourd’hui,
non pas parce qu’elle les met à même de remporter la
victoire dans la lutte pour l’existence, mais parce qu’elle
leur procure un avantage sur les autres mâles, avantage qu’ils
ont transmis à leur postérité mâle seule. C’est
l’importance de cette distinction qui m’a conduit à donner
à cette forme de sélection le nom de sélection sexuelle.
En outre, si le service principal que les organes préhensiles rendent
au mâle est d’empêcher que la femelle ne lui échappe
avant l’arrivée d’autres mâles, ou lorsqu’il
est assailli par eux, la sélection sexuelle a dû perfectionner
ces organes en conséquence de la supériorité que certains
mâles ont acquis sur leurs rivaux. Mais il est impossible, dans la
majorité des cas de cette nature, d’établir une ligne
de démarcation entre les effets de la sélection naturelle
et ceux de la sélection sexuelle. On pourrait remplir des chapitres
de particularités sur les différences qui existent entre les
sexes sous le rapport des organes sensitifs, locomoteurs et préhensiles.
» La descendance de l'homme p : 229-230 (
infos).
La théorie ne pouvait pas tout expliquer car deux sciences essentielles ne s'étaient pas encore développées :
En Allemagne, Ernst Haeckel (1834-1919) pousse l'idée évolutive jusqu'au bout et construit le premier arbre qui englobe tous les êtres vivants en décrivant trois règnes au lieu de deux : les unicellulaires, les végétaux et les animaux dans son livre " Generelle Morphologie der Organismen " paru en 1866 ( infos), dans lequel il placera l'homme.
Connaissances
au XIXeEvolutionnisme
avant DarwinJeunesse
de Darwin
Voyage du BeagleGéologie à bord du BeagleZoologie à bord du Beagle
Darwin avant l'Origine des EspècesL'Origine
des Espèces
Darwin
après l'Origine des EspècesThéorie
de l'évolutionDarwin
et la question raciale
Développement de la génétiqueNéodarwinismeClassification
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Systématique
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Darwin
et AgassizDarwin
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