La mémoire de travail

Nous savons intuitivement que, pour des activités cognitives complexes, nous devons mettre des informations en mémoire provisoirement pour nous en servir pour la suite.

Par exemple, maintenir des résultats partiels en mémoire lors d’un calcul mental, suivre un texte (se rappeler de ce que vous avez lu précédemment pour pouvoir comprendre la suite), suivre une conversation, résoudre un problème, prendre des notes (vous devez comprendre le texte du locuteur tout en écrivant ce qu'il a dit auparavant), mais également faire du vélo pour se rendre à un endroit précis…

Où est alors stockée cette information temporaire ? Que se passe-t-il quand nous traitons des sujets plus complexes ?
C'est ce que les scientifiques appellent la mémoire de travail !

La mémoire de travail est un système de mémoire à capacité limitée permettant le stockage temporaire et la manipulation d’une information pendant la réalisation de tâches cognitives diverses.

Pour employer une métaphore, si nous utilisons un ordinateur, la mémoire vive ou la mémoire RAM (Random Access Memory) correspond plus ou moins à la mémoire de travail, excepté qu'elle disparaît uniquement lors de la mise hors-tension de l'ordinateur alors que l'extinction de la mémoire de travail est plus rapide.

Modèle d'Alan Baddeley et Hitch (1974)

Le modèle d'Alan Baddeley et Hitch (1974) est le modèle classique retenu pour la mémoire de travail ( infos).

Dans ce modèle, la mémoire de travail a plusieurs rèles :

• le stockage temporaire des informations,
• le traitement des informations pour le passage dans la mémoire à long terme.

Stockage temporaire des informations

La mémoire de travail est composée de plusieurs modules :

• Un administrateur central sélectionne, contrèle et intègre les opérations de traitement (gestion attentionnelle) des systèmes esclaves.
• Ces systèmes esclaves sont :
  • la boucle phonologique qui stocke les informations verbales (auditives et visuelles) ;
  • le calepin visuo-spatial qui stocke les informations visuelles et spatiales (non-verbales).

Pourquoi ne parler que de ces deux types de systèmes sensoriels ?

Nous avons vu que les traces signifiantes chez l'homme sont encodées par la mémoire sensorielle soit en images mentales, soit en sons par verbalisation. Elles peuvent être, quelquefois, encodées dans un autre système - par exemple d'auditif en visuel - ( infos).

Boucle phonologique

La boucle phonologique comprend :

• le stock phonologique à court terme,
• la boucle articulatoire.

1. Le stock phonologique à court terme est un " réservoir " où l'information se trouve sous forme phonologique, c'est-à-dire sous forme de sons.

Deux expériences de rappel sériel (dans l'ordre de leur présentation) peuvent mettre en évidence que l’information verbale est bien stockée dans un système de nature phonologique.

• L'effet de similitude phonologique fait que l'empan de mémoire est plus faible pour des consonnes proches phonétiquement (B, C, D… par exemple -BI, Ci, Di en " anglais ") que pour les autres (W, X, K…). Cela provoque une confusion de sons dans le stock phonologique !
• L'effet de discours non-écouté montre que l'écoute d'une langue étrangère, pendant le rappel, perturbe le stock phonologique pour les consonnes apprises visuellement auparavant.

2. La boucle articulatoire permet l'autorépétition (" petite voix intérieure ") :

• pour maintenir l'information verbale dans le stock phonologique (expérience du numéro de téléphone) ;
• ou faire entrer dans ce stock des informations verbales à partir d'informations visuelles.

Le rappel sériel immédiat dépend de la boucle articulatoire. Il est limité à deux secondes (10 à 12 syllabes maximum).

• L'effet de la longueur des mots ( infos) est expliqué par le fait que nous mettons plus de temps à répéter un mot long qu'un mot court.
• Les enfants ont un empan plus faible que les adultes à cause de la différence de vitesse de prononciation ( infos).

Le rappel des mots présentés visuellement et proches phonétiquement (chat, plat…) est moins bon que ceux phonétiquement différents (chat, rond…).

La suppression articulatoire, dans laquelle le sujet articule de manière automatique (« blablabla ») pendant la présentation des items à retenir, empêche leur restitution en occupant la boucle articulatoire. Toutefois, elle ne contrarie pas le rappel du sens du texte.

• La boucle articulatoire est uniquement mise en action quand les textes sont difficiles à comprendre.
• Quand il est facile, le traitement s'effectue visuellement en activant directement la mémoire sémantique sans passer par la boucle articulatoire.

Calepin visuo-spatial

Le calepin visuo-spatial permet de conserver des images mentales temporairement (cache visuel et scribe interne - infos -).

Lorsque mon épouse brode et qu'il lui manque un fil, elle mémorise la couleur qui lui manque et le cherche dans son stock de fils.

Administrateur central

« L'administrateur central est un système attentionnel, de capacité limitée, qui est responsable des fonctions de contrèle et d'intégration de la mémoire de travail ( infos).

• Il sélectionne et exécute les processus contrèlés et les stratégies : quel système esclave doit être utilisé ? Faut-il mettre en oeuvre un processus actif pour assurer le maintien des informations ? Ou au contraire les effacer ?
• C'est un système qui doit permettre l'activation des informations pertinentes à un moment donné, et l'inhibition de celles qui ne sont plus pertinentes.
• Il assure aussi la planification et la mise en oeuvre de nouvelles activités, et en cas de besoin l'articulation entre plusieurs activités. » Cordier F., Gaonac'h D.

Nous touchons ici à des activités cognitives complexes : la lecture, par exemple, en est un exemple par les processus multiples qu'elle doit coordonner pour la compréhension d'un texte ( infos).

En 2000, Baddeley a ajouté un quatrième composant à son modèle de mémoire de travail qui est le buffer épisodique, sorte de mémoire-tampon temporaire intégrant les informations provenant des systèmes-esclaves et de la mémoire à long terme ( infos).

Traitement des informations pour le passage dans la mémoire à long terme

La mémoire de travail sert non seulement de stockage, mais également traite les informations pour les transmettre, s'il le faut, dans la mémoire à long terme.

Le passage de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme n'est pas systématique. Ce processus est actif et s'opère :

• soit si l'encodage est approfondi (visualisation, hiérarchisation),
• soit si l'information est répétée,
• soit si elle a une valeur affective importante pour le sujet.

Modèle de Cowan ( infos)

En outre, d'autres modèles comme les modèles d'activation sont apparus pour expliquer des phénomènes difficilement concevables avec les modèles précédents.

• En effet, en étudiant, entre autres, les images de TEP, les chercheurs se sont rendus compte que les phénomènes cognitifs " illuminent " plusieurs parties du cerveau presque simultanément, et non pas les unes après les autres comme le prédit la théorie d'Atkinson : mémoire sensorielle, puis à court terme, puis à long terme.
• D'autre part, si la mémoire à long terme intervient uniquement en bout de chaîne, comment expliquer les différences individuelles (en fonction de l'histoire de l'individu) et l'adaptation des réactions à l'environnement.

Le modèle de Nelson Cowan ( infos) considère que la mémoire à court terme et la mémoire à long terme font partie d'un même système, et non pas de plusieurs modules différents. Les stimuli sensoriels entrent dans le registre sensoriel et activent directement la mémoire à long terme.

Dans le modèle de Cowan, la mémoire à court terme n'est que la partie activée de la mémoire à long terme.

Bases neurobiologiques de la mémoire de travail

MémoireMémoire sensorielleMémoire à court termeMémoire de travail
Mémoire à long termeMémoire à long terme non-déclarative
Mémoire à long terme déclarativeBases neurobiologiques de la mémoire