Nous savons maintenant grâce à la génétique
que le chien descend du loup gris
(Canis lupus) avec lequel il partage 99,9% de son ADN.
Historique de la domestication du chien
La
domestication du chien aurait commencé, selon la plupart des auteurs,
à la fin du Paléolithique (Paléolithique supérieur) : le chien a été la première espèce
animale à avoir été domestiquée entre 20 000 et 40 000 ans avant JC.
Squelette de chien
(Figure : vetopsy.fr d'après la Section Française
de la Direction des Antiquités du Soudan)
La date exacte de la domestication du chien sont encore sujet à débat !
1. Au départ, les plus anciennes traces d'association entre les espèces humaine
et canine ont été découvertes à Oberkassel,
près de Bonn en Rhénanie. Elles datent d'environ 12 000
avant JC, soit 2 000 ans avant la révolution néolithique et
5 000 ans avant la domestication d'autres espèces (porc et petits
ruminants).
Citons Achilles Gautier (" La domestication - Et l'homme
créa l'animal… ") qui décrit les premières découvertes.
La découverte d'Oberkassel « faite
dans une double sépulture qui contenait les restes d'un homme assez
âgé et d'une jeune femme. Le canidé est représenté
par plusieurs vestiges dont un fragment de mandibule identifiée
depuis plusieurs décennies comme étant celle d'un loup.
Elle a été à nouveau analysée, à Cologne,
par Günther Nobis. Or, cette mandibule se distingue de celle des
loups du paléolithique supérieur de l'Europe centrale par
sa taille plus petite. De plus, les deuxième et troisième
prémolaires manquent et les alvéoles correspondants sont
absents, ce qui pourrait indiquer une anomalie congénitale. On
a donc conclu au statut domestique de la mandibule d'Oberkassel d'après
ces deux critères : la taille médiocre et la présence
de modifications pathologiques...
Loup
Une deuxième trouvaille, également
en Europe, publiée pour la première fois en 1974, provient
des couches magdaléniennes (11 000 avant J.C.) de la Kniegrotte
ou " caverne du genou " en Thuringe (Allemagne). Dans
cette grotte, ont été trouvés plusieurs ossements
de canidé. D'après l'archéozoologue tchécoslovaque
Musil, ce canidé se distingue ici encore du loup du paléolithique
supérieur européen par sa petite taille, mais aussi par
le resserrement des dents jugales...
Deux trouvailles du Proche-Orient nous intéressent
plus spécialement. La première concerne un tout jeune canidé
déposé dans la tombe d'une personne âgée dans
le site natoufien d'Aïn Mallaha en Israël ; l'inhumation aurait
eu lieu il y a 13 500 ans. Ce canidé est trop jeune pour que l'on
puisse décider de son identité : louveteau ou chiot. Il
souligne, néanmoins, les rapports affectueux qui ont pu exister
entre hommes préhistoriques et jeunes animaux. ».
3. L'origine
du chien est monophylétique : son unique ancêtre est le loup gris (Canis lupus), et non pas un hybride - loup, chacal doré -
comme le pensait Konrad
Lorenz (1903-1989).
a. Cela n'exclut pas que les espèces proches, comme Canis aureus (Chacal doré) et le Canis latrans (Coyote), qui peuvent se croiser avec le loup et dont les descendants
sont fertiles, soient intervenus de manière épisodique à
divers moments du processus de domestication.
En Amérique du Nord,
les Inuits, les Indiens et les trappeurs croisent leurs chiens de traîneaux
avec des loups pour augmenter leur taille et leur résistance.
Dans le site de Zhoukoudian en Chine du Nord, on a retrouvé
des ossements mélangés d'hominidés et de loups
datant de près de 400 000 ans qui pourraient montrer, déjà,
une certaine proximité entre ces deux espèces.
b. On connaît de nombreuses sous-espèces
de loups qui se distinguent notamment par leurs tailles.
Il semble qu'elles sont intervenues à des degrés divers
dans l'ascendance du chien car le processus de la domestication semble
avoir été entrepris en différents endroits.
Cette diversité dans les sous-espèces
utilisées explique, du moins partiellement, le remarquable polymorphisme
de l'espèce canine et le grand nombre de variétés
ethniques.
1. Les premiers chiens ressemblaient à des louveteaux.
Darcy F. Morey a étudié
la morphologie crânienne des canidés domestiques préhistoriques
et est arrivé à la conclusion que le loup a donné naissance
au chien domestique par un phénomène de pédomorphose.
La pédomorphose est la présence de
traits juvéniles des ancêtres chez les adultes des espèces
qui en descendent. La néoténie
est une des figures de la pédomorphose.
La néoténie
décrit, en biologie du développement, la conservation de caractéristiques
juvéniles chez les adultes d'une espèce (cf. extraits
de textes des Métamorphoses d'Ovide traduits et proposés
par Jean-François Peyret et extraits de textes scientifiques proposés
par Jean-François Peyret et Alain Prochiantz dans la séquence
2).
En comportement,
la néoténie consiste en la persistance de comportements juvéniles qui se ritualisent, c'est-à-dire
qu'ils changent de signification.
2. Leur taille a diminué, leur chanfrein a raccourci, leur angle frontal par rapport au chanfrein s'est modifié.
Portrait de famille
(Figure : vetopsy.fr d'après Rodney L Honeycutt)
La morphologie crânienne des premiers
canidés est très comparable à celle des louveteaux
: ce serait en fait des louveteaux domestiqués dont la descendance
a conservé les caractères.
L'analyse des séquences d'ADN mitochondrial
montre qu'il y a seulement 0,2 % de différences entre le chien
et le loup
alors qu'il y en a 4 % entre le chien et le coyote.
Mais, plus intéressant pour nous, nous
pouvons trouver des arguments comportementaux.
En particulier, son comportement
ludique est bien plus développé que celui de ses cousins sauvages
: ce comportement est considéré comme un signe juvénile, mais aussi il permet d'apprendre.
Certains vont même jusqu'à avancer que le chien domestique
adulte est resté au stade de l'adolescence.
Causes de la domestication
1. Les causes de la domestication du chien font l'objet de plusieurs hypothèses
et resteront sans doute toujours un sujet de controverses. En effet, cette
domestication originale se différencie des autres domestications.
Allaitement de chiot
Elle a précédé toutes les autres
de plusieurs milliers d'années et est la résultante d'une
longue période de commensalisme et de cohabitation.
Son arrivée dans les sociétés
préhistoriques n'a pas provoqué de changements brutaux comme
lors de la domestication d'autres animaux (petits ruminants...).
Le patrimoine génétique du chien n'a
pas été modifié (2 n chromosomes = 38 comme le loup,
le chacal ou le renard) contrairement à d'autres espèces
(sanglier 36, porc 38, par exemple).
2. La domestication suppose deux étapes
préalables.
a. Le commensalisme
est une association particulière entre deux espèces, i.e. le
commensal prélève une partie de sa nourriture de son hôte.
Les loups auraient suivi progressivement les chasseurs
du paléolithique et se seraient fixés près des campements
pour profiter de la possibilité de manger les restes alimentaires
(comme de nombreuses espèces opportunistes : coyote,
renard,
hyène…).
Dans notre société actuelle, les deux phénomènes
sont encore présents : l'Homme ne supporte pas les animaux errants
et pense toujours qu'ils vont mourir de malnutrition. Cela justifie l'existence
de " nourrisseurs ", comme nos vieilles dames s'occupant
des chats dit " libres " ou des personnes qui apprivoisent
sangliers, faons, renards...
3. On a longtemps considéré que la domestication était
le résultat de l'association entre deux prédateurs hautement
performants qui pratiquaient une chasse en collaboration.
En outre, les
chiens gardaient les campements et avertissaient en cas de danger, qui tenait à l'écart d'autres prédateurs attirés par les restes de chasse et les proies faciles (enfants, humains âgés ou endormis).
De plus, les chiens étaient de parfaits éboueurs, gardant les campements relativement propres pour ne pas attirer la vermine.
Rôles du chien
Actuellement, sur la base d'analogies avec les sociétés
humaines contemporaines vivant selon un mode préhistorique, on pense
plutôt que de jeunes louveteaux ont été ramenés
au campement.
Ces animaux faisaient l'objet de soins de la part
des femmes et étaient conservés pour diverses raisons :
affectives, alimentaires, religieuses…
Citons de nouveau Achilles Gautier (" La domestication - Et l'homme
créa l'animal… ").
« L'étude des rapports entre aborigènes
australiens et dingos révèle la possibilité d'une
autre fonction peu connue. Pendant les nuits très froides du désert
australien, hommes et dingos se blottissent les uns contre les autres
afin de mieux se tenir chaud. Le dingo serait donc un petit chauffage
sur pattes ou une couverture ambulante.
Enfin, certains attirent l'attention sur le
rôle psychologique du chien comme animal de compagnie, qui aide
l'homme à conserver son équilibre psychologique. Plus spécifiquement, les jeunes chiens pourraient avoir été
des substituts d'enfants. Tout comme les groupes humains récents
vivant de chasse et de cueillette, l'homme du Paléolithique se
trouvait confronté à une mortalité considérable
de nouveau-nés et de jeunes enfants. Les chiots jouaient-ils
alors un rôle dans l'apaisement des mères concernées ? »
Le chien aurait peut-être été
au départ un animal de compagnie !
Remarque : Science a publié récemment un article sur la possibilité de la sélection des chiens aux yeux de couleur brune par nos ancêtres parce qu'elle semble moins menaçante que celle plus claire que celle des loups (Why do most dogs have brown eyes? 2023).
Apparition des races actuelles
L'apparition des premières races daterait de 1 000 à
2 000 avant JC : un chien de type lévrier clairement reconnaissable
a été trouvé sur les peintures et les poteries découvertes
en Egypte et en Asie Mineure.
a. Les canes venatici étatent des chiens de chasse,
eux-mêmes répartis en :
sagaces : chiens pisteurs,
celeres : chiens qui forcent
le gibier à la course,
pugnaces : chiens qui tuent le gibier.
b. Les canes pastorales étaient représentés par les chiens bouviers
et les bergers.
c. Les canes villatici étaient des chiens de maison.
2. Le Moyen-Age, entre le 13ème et le 15ème
siècle, voit l'apparition de nombreuses races de chiens de chasse,
chacune d'entre elles adaptée à un gibier et à un mode
de chasse particulier. Cette sélection correspond au développement
important de la vénerie, activité symbolique du pouvoir féodal,
très formalisée et très codifiée.
Enfin, au l9ème siècle, on assiste à l'explosion
du nombre de races de chiens.