• Comportement du chien et
    du chat
  • Celui qui connait vraiment les animaux est par là même capable de comprendre pleinement le caractère unique de l'homme
    • Konrad Lorenz
  • Biologie, neurosciences et
    sciences en général
  •  Le but des sciences n'est pas d'ouvrir une porte à la sagesse infinie,
    mais de poser une limite à l'erreur infinie
    • La vie de Galilée de Bertold Brecht

Domestication du chien

Sommaire

Origine du chien domestique

Notre chien domestique (Canis lupus familiaris) fait partie de la famille des Canidés.

Nous savons maintenant grâce à la génétique que le chien descend du loup gris (Canis lupus) avec lequel il partage 99,9% de son ADN.

Historique de la domestication du chien

La domestication du chien aurait commencé, selon la plupart des auteurs, à la fin du Paléolithique (Paléolithique supérieur) : le chien a été la première espèce animale à avoir été domestiquée entre 20 000 et 40 000 ans avant JC.

Squelette de chien
(Figure : vetopsy.fr d'après la Section Française
de la Direction des Antiquités du Soudan)
étonné

La date exacte de la domestication du chien sont encore sujet à débat !

1. Au départ, les plus anciennes traces d'association entre les espèces humaine et canine ont été découvertes à Oberkassel, près de Bonn en Rhénanie. Elles datent d'environ 12 000 avant JC, soit 2 000 ans avant la révolution néolithique et 5 000 ans avant la domestication d'autres espèces (porc et petits ruminants).

Citons Achilles Gautier (" La domestication - Et l'homme créa l'animal… ") qui décrit les premières découvertes.

  • La découverte d'Oberkassel « faite dans une double sépulture qui contenait les restes d'un homme assez âgé et d'une jeune femme. Le canidé est représenté par plusieurs vestiges dont un fragment de mandibule identifiée depuis plusieurs décennies comme étant celle d'un loup. Elle a été à nouveau analysée, à Cologne, par Günther Nobis. Or, cette mandibule se distingue de celle des loups du paléolithique supérieur de l'Europe centrale par sa taille plus petite. De plus, les deuxième et troisième prémolaires manquent et les alvéoles correspondants sont absents, ce qui pourrait indiquer une anomalie congénitale. On a donc conclu au statut domestique de la mandibule d'Oberkassel d'après ces deux critères : la taille médiocre et la présence de modifications pathologiques...
  • Loup
    Une deuxième trouvaille, également en Europe, publiée pour la première fois en 1974, provient des couches magdaléniennes (11 000 avant J.C.) de la Kniegrotte ou " caverne du genou " en Thuringe (Allemagne). Dans cette grotte, ont été trouvés plusieurs ossements de canidé. D'après l'archéozoologue tchécoslovaque Musil, ce canidé se distingue ici encore du loup du paléolithique supérieur européen par sa petite taille, mais aussi par le resserrement des dents jugales...
  • Deux trouvailles du Proche-Orient nous intéressent plus spécialement. La première concerne un tout jeune canidé déposé dans la tombe d'une personne âgée dans le site natoufien d'Aïn Mallaha en Israël ; l'inhumation aurait eu lieu il y a 13 500 ans. Ce canidé est trop jeune pour que l'on puisse décider de son identité : louveteau ou chiot. Il souligne, néanmoins, les rapports affectueux qui ont pu exister entre hommes préhistoriques et jeunes animaux. ».

2. Selon certains auteurs, la domestication du chien aurait commencé, il y a 30 000 ans environ selon une découverte en Sibérie, date approximative de divergence entre chiens et loup (La domestication du chien remonterait à plus de 27.000 ans 2015).

3. L'origine du chien est monophylétique : son unique ancêtre est le loup gris (Canis lupus), et non pas un hybride - loup, chacal doré - comme le pensait Konrad Lorenz (1903-1989).

Arbre généalogique
(Figure : vetopsy.fr d'après Clutton-Brock)

a. Cela n'exclut pas que les espèces proches, comme Canis aureus (Chacal doré) et le Canis latrans (Coyote), qui peuvent se croiser avec le loup et dont les descendants sont fertiles, soient intervenus de manière épisodique à divers moments du processus de domestication.

  • En Amérique du Nord, les Inuits, les Indiens et les trappeurs croisent leurs chiens de traîneaux avec des loups pour augmenter leur taille et leur résistance.
  • Dans le site de Zhoukoudian en Chine du Nord, on a retrouvé des ossements mélangés d'hominidés et de loups datant de près de 400 000 ans qui pourraient montrer, déjà, une certaine proximité entre ces deux espèces.

b. On connaît de nombreuses sous-espèces de loups qui se distinguent notamment par leurs tailles.

  • Il semble qu'elles sont intervenues à des degrés divers dans l'ascendance du chien car le processus de la domestication semble avoir été entrepris en différents endroits.
  • Cette diversité dans les sous-espèces utilisées explique, du moins partiellement, le remarquable polymorphisme de l'espèce canine et le grand nombre de variétés ethniques.

Pédomorphose
et néoténie

1. Les premiers chiens ressemblaient à des louveteaux. Darcy F. Morey a étudié la morphologie crânienne des canidés domestiques préhistoriques et est arrivé à la conclusion que le loup a donné naissance au chien domestique par un phénomène de pédomorphose.

definition

La pédomorphose est la présence de traits juvéniles des ancêtres chez les adultes des espèces qui en descendent. La néoténie est une des figures de la pédomorphose.

  • La néoténie décrit, en biologie du développement, la conservation de caractéristiques juvéniles chez les adultes d'une espèce (cf. extraits de textes des Métamorphoses d'Ovide traduits et proposés par Jean-François Peyret et extraits de textes scientifiques proposés par Jean-François Peyret et Alain Prochiantz dans la séquence 2).
  • En comportement, la néoténie consiste en la persistance de comportements juvéniles qui se ritualisent, c'est-à-dire qu'ils changent de signification.

2. Leur taille a diminué, leur chanfrein a raccourci, leur angle frontal par rapport au chanfrein s'est modifié.

  • Portrait de famille du chien
    Portrait de famille
    (Figure : vetopsy.fr d'après Rodney L Honeycutt)
    La morphologie crânienne des premiers canidés est très comparable à celle des louveteaux : ce serait en fait des louveteaux domestiqués dont la descendance a conservé les caractères.
  • L'analyse des séquences d'ADN mitochondrial montre qu'il y a seulement 0,2 % de différences entre le chien et le loup alors qu'il y en a 4 % entre le chien et le coyote.
bien

Mais, plus intéressant pour nous, nous pouvons trouver des arguments comportementaux.

3. Chez les chiens, les variations de deux gènes (GTF2I et GTF2IRD1) paraissent être à l'origine de leur hyper-sociabilité, un facteur clé de leur domestication qui les distinguent des loups dont ils descendent (Deux gènes expliqueraient la domestication des chiens 2017 et Structural variants in genes associated with human Williams-Beuren syndrome underlie stereotypical hypersociability in domestic dogs 2017).

3. Le chien adulte a un développement comportemental plus long que celui du loup, i.e. ses apprentissages sont plus approfondis.

  • En particulier, son comportement ludique est bien plus développé que celui de ses cousins sauvages : ce comportement est considéré comme un signe juvénile, mais aussi il permet d'apprendre.
  • Certains vont même jusqu'à avancer que le chien domestique adulte est resté au stade de l'adolescence.

Causes de la domestication

1. Les causes de la domestication du chien font l'objet de plusieurs hypothèses et resteront sans doute toujours un sujet de controverses. En effet, cette domestication originale se différencie des autres domestications.

  • Allaitement de chiot
    Elle a précédé toutes les autres de plusieurs milliers d'années et est la résultante d'une longue période de commensalisme et de cohabitation.
  • Son arrivée dans les sociétés préhistoriques n'a pas provoqué de changements brutaux comme lors de la domestication d'autres animaux (petits ruminants...).
  • Le patrimoine génétique du chien n'a pas été modifié (2 n chromosomes = 38 comme le loup, le chacal ou le renard) contrairement à d'autres espèces (sanglier 36, porc 38, par exemple).

2. La domestication suppose deux étapes préalables.

a. Le commensalisme est une association particulière entre deux espèces, i.e. le commensal prélève une partie de sa nourriture de son hôte.

Les loups auraient suivi progressivement les chasseurs du paléolithique et se seraient fixés près des campements pour profiter de la possibilité de manger les restes alimentaires (comme de nombreuses espèces opportunistes : coyote, renard, hyène…).

b. L'apprivoisement en est la suite logique ( texte magnifique de St Exupéry).

Dans notre société actuelle, les deux phénomènes sont encore présents : l'Homme ne supporte pas les animaux errants et pense toujours qu'ils vont mourir de malnutrition. Cela justifie l'existence de " nourrisseurs ", comme nos vieilles dames s'occupant des chats dit " libres " ou des personnes qui apprivoisent sangliers, faons, renards...

3. On a longtemps considéré que la domestication était le résultat de l'association entre deux prédateurs hautement performants qui pratiquaient une chasse en collaboration.

  • En outre, les chiens gardaient les campements et avertissaient en cas de danger, qui tenait à l'écart d'autres prédateurs attirés par les restes de chasse et les proies faciles (enfants, humains âgés ou endormis).
  • De plus, les chiens étaient de parfaits éboueurs, gardant les campements relativement propres pour ne pas attirer la vermine.
Rôles du chien
Rôles du chien

Actuellement, sur la base d'analogies avec les sociétés humaines contemporaines vivant selon un mode préhistorique, on pense plutôt que de jeunes louveteaux ont été ramenés au campement.

Ces animaux faisaient l'objet de soins de la part des femmes et étaient conservés pour diverses raisons : affectives, alimentaires, religieuses…

Citons de nouveau Achilles Gautier (" La domestication - Et l'homme créa l'animal… ").

  •  « L'étude des rapports entre aborigènes australiens et dingos révèle la possibilité d'une autre fonction peu connue. Pendant les nuits très froides du désert australien, hommes et dingos se blottissent les uns contre les autres afin de mieux se tenir chaud. Le dingo serait donc un petit chauffage sur pattes ou une couverture ambulante.
  • Enfin, certains attirent l'attention sur le rôle psychologique du chien comme animal de compagnie, qui aide l'homme à conserver son équilibre psychologique. Plus spécifiquement, les jeunes chiens pourraient avoir été des substituts d'enfants. Tout comme les groupes humains récents vivant de chasse et de cueillette, l'homme du Paléolithique se trouvait confronté à une mortalité considérable de nouveau-nés et de jeunes enfants. Les chiots jouaient-ils alors un rôle dans l'apaisement des mères concernées ? »
bien

Le chien aurait peut-être été au départ un animal de compagnie !

Remarque : Science a publié récemment un article sur la possibilité de la sélection des chiens aux yeux de couleur brune par nos ancêtres parce qu'elle semble moins menaçante que celle plus claire que celle des loups (Why do most dogs have brown eyes? 2023).

Apparition des races actuelles

L'apparition des premières races daterait de 1 000 à 2 000 avant JC : un chien de type lévrier clairement reconnaissable a été trouvé sur les peintures et les poteries découvertes en Egypte et en Asie Mineure.

1. Les Romains sélectionnaient les chiens et distinguaient plusieurs types (Dogs in Ancient Rome: Breeds, Uses, Epitaphs, and Facts 2022).

Chiens de chasse romains
Chiens de chasse romains

a. Les canes venatici étatent des chiens de chasse, eux-mêmes répartis en :

  • sagaces : chiens pisteurs,
  • celeres : chiens qui forcent le gibier à la course,
  • pugnaces : chiens qui tuent le gibier.

b. Les canes pastorales étaient représentés par les chiens bouviers et les bergers.

c. Les canes villatici étaient des chiens de maison.

2. Le Moyen-Age, entre le 13ème et le 15ème siècle, voit l'apparition de nombreuses races de chiens de chasse, chacune d'entre elles adaptée à un gibier et à un mode de chasse particulier. Cette sélection correspond au développement important de la vénerie, activité symbolique du pouvoir féodal, très formalisée et très codifiée.

bien

Enfin, au l9ème siècle, on assiste à l'explosion du nombre de races de chiens.

Statut actuel du chien