Voies métaboliques
Pyruvate et maladies neurodégénératives
- Biologie cellulaire et moléculaire
- Constituants de la cellule
- Matrice extracellulaire
- Reproduction cellulaire
- Biochimie
- Transport membranaire
- Moteurs moléculaires
- Voies de signalisation
Le pyruvate, $\ce{CH3COCOO-}$, est une molécule située au carrefour de plusieurs voies métaboliques dont la perturbation joue un rôle essentiel dans de nombreuses affections :
- 1. les cancers par l'effet Warburg ;
- 2. les maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer et de Parkinson ;
- 3. l'insuffisance cardiaque ;
- 4. les maladies chroniques évolutives comme la bronchopneumopathie chronique obstructive, l'obésité, le diabète, ou le vieillissement.
La plus grande partie de ces chapitres provient de l'excellent article : Regulation of pyruvate metabolism and human disease 2014.
Énergie des réseaux neuronaux
L'apport d'énergie au cerveau dépend presque entièrement du métabolisme du glucose et donc, du pyruvate : son fonctionnement requiert 20-25% de la consommation quotidienne de glucose du corps.
- Les astrocytes assurent la glycolyse et libèrent du lactate dans l'espace extracellulaire.
- Ce lactate est ensuite absorbé par les neurones qui est converti en pyruvate par la lactate déshydogénase (LDH) et utilisé dans les mitochondries pour la production d'ATP neuronal (Brain Glucose Transporter (Glut3) Haploinsufficiency Does Not Impair Mouse Brain Glucose Uptake 2013).
Ce procesus, appelé navette lactate astrocyte-neurone (ANLS, Astrocyte–Neuron Lactate Shuttle), est essentiel à l'apport énergétique des neurones.
En outre, les astrocytes ont bien d'autres fonctions comme celles de de stocker le glycogène cérébral, de défendre les neurones contre le stress oxydatif, de maintenir les synapses neuronales fonctionnelles et de maintenir l'homéostasie de l'espace extracellulaire (fonctions des astrocytes).
La perturbation de toutes les fonctions des astrocytes dans les maladies neurodégénératives explique les symptômes observés (maladies neurodégénératives).
Altérations du métabolisme du pyruvate
et maladies neurodégénératives
Syndrome de Leigh
Le syndrome de Leigh est une affection dans laquelle près de la moitié des patients sont atteints d'un déficit en pyruvate-déshydrogénase (PDH), enzyme qui convertit le pyruvate en acétyl-CoA :
$\ce{Pyruvate + CoA-SH + NAD+}$ $\ce{->}$ $\ce{NADH + H+ + CO2 + Acétyl-CoA}$
Cette maladie attaque principalement les ganglions de la base, le thalamus et le tronc cérébral (The Spectrum of Pyruvate Dehydrogenase Complex Deficiency: Clinical, Biochemical and Genetic Features in 371 Patients 2012).
- Elle perturbe la phosphorylation oxydative - OXPHOS - (OXPHOS mutations and neurodegeneration 2013).
- Les malades ont un déficit dans l'apprentissage de la marche, des réactions fortement diminuées aux stimuli sensoriels et donc, une difficulté à interagir avec leur environnement. Les malades décèdent, en général, avant 10 ans.
Maladie d'Alzheimer
La maladie d'Alzheimer est une maladie neurodégénérative dans laquelle les dysfonctionnements métaboliques jouent un rôle majeur dans la pathogénie (Review: Quantifying Mitochondrial Dysfunction in Complex Diseases of Aging 2012) :
- la production des dérivés réactifs de l'oxygène (ROS, Reactive Oxygen Species) ;
- la diminution de l'absorption du glucose (Reevaluating Metabolism in Alzheimer's Disease from the Perspective of the Astrocyte-Neuron Lactate Shuttle Model 2013) ;
- l'hyperexcitabilité synaptique (plus bas).
Production des ROS
Les ROS (Reactive Oxygen Species) sont étudiés dans un chapitre spécial.
La production des dérivés réactifs de l'oxygène (ROS) est considérée comme l'une des caractéristiques de la pathogénie de la maladie d'Alzheimer.
Ces ROS jouent un rôle important dans la signalisation cellulaire et l'homéostasie, mais leur accumulation peuvent entraîner des dommages cellulaires importants, d'où le nom de stress oxydatif.
1. Les ROS active la β-sécrétase (BACE1, Beta-site Amyloid precursor protein Cleaving Enzyme 1), qui clive l'APP (Amyloid Precursor Protein) en bêta-amyloïde (Aβ), menant ainsi à une production accrue de l'oligomère Aβ, le peptide largement accepté comme pathogène principal dans la maladie d'Alzheimer.
Le recyclage de BACE1 est perturbé par la diminution des taux de la nexine SNX4.
Aβ exerce ses effets neurotoxiques en augmentant la production de ROS par l'activation de la NAPDH oxydase (Amyloid beta peptide and NMDA induce ROS from NADPH oxidase and AA release from cytosolic phospholipase A2 in cortical neurons 2008).
- L'augmentation des ROS active à son tour l'expression de HIF-1α (effet Warburg) qui stabilise l'expression de BACE1 et augmente l'activité de la pyruvate déshydrogénase kinase (PDK).
- PDK inhibe l'activité de la pyruvate-déshydrogénase (PDH), qui catalyse la formation d'acétyl-CoA pour faire entrer le pyruvate dans le cycle de Krebs (Dietary energy substrates reverse early neuronal hyperactivity in a mouse model of Alzheimer's disease 2013).
Aβ rédut le flux mitochondrial du pyruvate par phosphorylation oxydative.
2. En outre, la peroxydation des lipides présents dans le cerveau par les ROS :
- modifie les propriétés membranaire mitochondriales (ROS et VDAC) ;
- produit de l'acroléine, molécule toxique puissant inhibiteur des protéines contenant des lipoates, comme la pyruvate-déshydrogénase (Pyruvate Dehydrogenase Complex: Metabolic Link to Ischemic Brain Injury and Target of Oxidative Stress 2005).
Le résultat final de la production des ROS neuronaux est une diminution de l'activité de la pyruvate-déshydrogénase (PDH), diminuant drastiquement la production d'ATP et provoquant un dysfonctionnement neuronal essentiel à la pathogénie de la maladie d'Alzheimer.
3. Dans les astrocytes, l'ATP généré par la glycolyse aérobie est utilisée pour alimenter l'absorption du glutamate par un transporteur d'acide aminé excitateur (Activity-Dependent Regulation of Energy Metabolism by Astrocytes: An Update 2007).
- Lorsque l'absorption du glucose est perturbée, les astrocytes manquent d'énergie pour éliminer suffisamment le glutamate de la fente synaptique.
- Ce processus entraîne une neurotoxicité excitatrice qui provoque, entre autres, l'augmentation des ROS et un dysfonctionnement mitochondrial provoquant la mort neuronale (Astrocytes and Epilepsy 2016).
Rôles des astrocytes
Le réseau du mode par défaut (Default Mode Network ou DMN), réseau des régions du cerveau où le métabolisme glycolytique est le plus important, contient un pourcentage élevé d'astrocytes (Regional aerobic glycolysis in the human brain 2010).
- Ces régions comprennent le cortex préfrontal bilatéral, le lobe pariétal latéral bilatéral, le cingulum/précunéum postérieur, le rectum gyrus, le gyrus temporal latéral bilatéral et les noyaux caudés bilatéraux.
- En revanche, le cervelet et le gyrus temporal inférieur ont des niveaux significativement plus bas de glycolyse.
Ce réseau est mobilisé lorsque l'individu n'est pas engagé dans une tâche précise, comme lors de révéeries où l'esprit vagabonde : elle consomme la majorité de l'énergie cérébrale et synchronise l'ensemble des aires cérébrales qui sont prêtes à exécuter une tâche.
- Ce réseau fut découvert par hasard par l'imagerie cérébrale sur des patients à qui l'on demandait de ne penser à rien pour avoir un référentiels lors des examens.
- Lors d'une activité particulière, le cerveau ne mobilise que 5% d'énergie de plus que cette activité de " repos ".
Les altérations métaboliques dans le DMN sont suffisamment significatives pour être détectées par l'imagerie TEP-FDG (Tomographie par Émission de Positons par le FluoroDésoxyGlucose) pendant les stades prodromiques de la maladie d'Alzheimer (The brain's default network: anatomy, function, and relevance to disease 2008).
- Certaines études montrent une corrélation entre les dépôts amyloïdes et une glycolyse élevée : est-ce un processus de protection ou de compensation d'autres anomalies métaboliques qui accompagnent la maladie d'Alzheimer (Spatial correlation between brain aerobic glycolysis and amyloid-β (Aβ) deposition 2010) ?
- Une autre étude a trouvé des variations dans le degré de chevauchement entre les dépôts de Aβ, l'hypométabolisme et l'atrophie dans le cerveau des patients atteints de la maladie d'Alzheimer (Region-Specific Hierarchy between Atrophy, Hypometabolism, and β-Amyloid (Aβ) Load in Alzheimer's Disease Dementia 2012). L'absence de corrélation significative entre l'atrophie et l'hypométabolisme peut indiquer le fonctionnement de mécanismes pathologiques ou protecteurs spécifiques à une région.
En conclusion, l'augmentation de la glycolyse aérobie pourrait compenser le dysfonctionnement neuronal et l'hypométabolisme.
- Le transfert de lactate par la navette lactate astrocyte-neurone (ANLS) serait plus important, ce qui est essentiel pour la formation de la mémoire à long terme (Astrocyte-neuron lactate transport is required for long-term memory formation 2011).
- Le métabolisme oxydatif neuronal serait accru et augmenterait la disponibilité du pyruvate (Modulation of multiple memory systems: from neurotransmitters to metabolic substrates 2013).
Maladie de Parkinson
La maladie de Parkinson est la deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente après la maladie d'Alzheimer.
- La perte de ces neurones provoque d'importants dysfonctionnements neurologiques moteurs et non moteurs qui cractérisent l'évolution clinique de la maladie de Parkinson (Parkinson’s disease: clinical features and diagnosis 2009).
- Le dysfonctionnement mitochondrial est aussi essentiel à sa pathogénie (Mitochondrial dysfunction and oxidative stress in Parkinson’s disease and monogenic parkinsonism 2013 et The role of calcium and mitochondrial oxidant stress in the loss of substantia nigra pars compacta dopaminergic neurons in Parkinson’s disease 2012).
Les neurones dopaminergiques de la substantia nigra (substance noire ou locus niger) sont particulièrement sensibles aux dommages oxydatifs et sont détruits par la production de ROS et de RNS (dérivés réactifs de l'azote).
L'hypométabolisme serait un contributeur important dans l'évolution de la maladie.
Dans les neurones dopaminergiques de la substantia nigra de la maladie de Parkinson et des patients parkinsoniens subcliniques, de nombreux gènes diminueraient l'expression du métabolisme du pyruvate et de la chaîne de transport des électrons.
- Ces gènes sont sous le contrôle de PGC-1α (Peroxisome roliferator-activated receptor Gamma Coactivator 1-alpha), un facteur de transcription responsable de la biogenèse mitochondriale et de la régulation, qui est sous-exprimée dans la maladie de Parkinson (PGC-1α, A Potential Therapeutic Target for Early Intervention in Parkinson’s Disease 2011).
- Chez le rat, la surexpression de PGC-1α supprime la perte de neurones dopaminergiques.
Cet hypométabolisme peut être vu sur l'imagerie TEP-FDG (Tomographie par Émission de Positons par le FluoroDésoxyGlucose) chez les patients atteints de la maladie de Parkinson, tout comme chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer, ce qui pourrait déboucher sur de nouveaux traitements (Pharmacological approaches to restore mitochondrial function 2013).
Nouvelles pistes thérapeutiques
La maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson partagent de nombreuses similitudes :
- augmentation de la production de ROS,
- états hypométaboliques,
- dysfonctionnement métabolique global dans leurs régions respectives du cerveau.
Dans la maladie d'Alzheimer, deux thérapeutiques sont prescrites qui ne corrigent que peu le cogntion (Treatment of Alzheimer Disease 2011).
- Les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase (AChEI) augmentent les niveaux corticaux d'acétylcholine, diminués dans cette maladie.
- Les inhibiteurs des récepteurs NMDA bloquent la liaison du glutamate au récepteur NMDA, empêchant la toxicité excitatrice neuronale.
Dans la maladie de Parkinson, les patients atteints sont généralement traités avec :
- de la L-Dopa, un précurseur de la dopamine,
- des inhibiteurs du catabolisme de la dopamine comme la tolcapone qui inhibe la catéchol-O-méthyltransfèrase (COMT).
Or, l'hypométabolisme du pyruvate et la surproduction de ROS, observés et dans la maladie d'Alzheimer et dans la maladie de Parkinson, ne sont pas traités et pourraient être corrigés par l'administration de pyruvate.
1. Le pyruvate protège contre les ROS (dérivés réactifs de l'oxygène) et les RNS (dérivés réactifs de l'azote).
- Dans les neurones de rat primaires cultivés, l'administration de pyruvate inhibe la mort neuronale oxydative induite par la bêta-amyloïde (Aβ).
- Dans un modèle murin de la maladie de Parkinson, l'administration d'éthyl pyruvate, un ester éthylique du pyruvate hydrolysé en pyruvate et éthanol, protège les neurones substantia nigra de la neurotoxicité oxydative (Ethyl Pyruvate Rescues Nigrostriatal Dopaminergic Neurons by Regulating Glial Activation in a Mouse Model of Parkinson’s Disease 2011).
Dans la figure ci-contre, tirée de l'article Anti-inflammatory and anti-excitoxic effects of diethyl oxopropanamide, an ethyl pyruvate bioisoster, exert robust neuroprotective effects in the postischemic brain 2016, MCAO signifie rat middle cerebral artery occlusion qui provoque une lésion ischémique. La récupération est visible avec les dérivés de l'éthyl-pyruvate (PBS, tampon phosphate salin).
L'effet protecteur du pyruvate reposerait sur l'oxydation du pyruvate et la production importante de NADH, qui peut être convertie en NAPDH mitochondriale via la NADP-transhydrogénase : les concentrations de ROS sont abaissés par la reconstitution des taux de glutathion réduit (Cofactor Balance by Nicotinamide Nucleotide Transhydrogenase (NNT) Coordinates Reductive Carboxylation and Glucose Catabolism in the Tricarboxylic Acid (TCA) Cycle 2013).
2. Dans un modèle murin de la maladie d'Alzheimer, provoqué par une neutotoxine, le MPTP (1-méthyl-4-phényl-1,2,3,6-tétrahydropyridine), l'administration de pyruvate et du corps cétonique 3-β-hydroxybutyrate directement dans le liquide céphalo-rachidien corrige la neurotoxicité excitatrice et de la déficience énergétique neuronale (Dietary energy substrates reverse early neuronal hyperactivity in a mouse model of Alzheimer's disease 2013).
Le pyruvate et le 3-bêta-hydroxybutyrate fourniraient une source d'énergie sans glucose qui permettait d'éviter l'utilisation du glycogène astrocytaire, et permettait de maintenir l'homéostasie synaptique.
Retour au pyruvate
Biologie cellulaire et moléculaireConstituants de la celluleMatrice extracellulaireReproduction cellulaireBiochimieChimie organiqueBioénergétiqueProtidesAcides aminésProtéinesAcides nucléiquesGlucidesLipidesEnzymesCoenzymesVitaminesHormonesComposés inorganiquesTransport membranaireMoteurs moléculairesVoies de signalisation