Transduction gustative (2)
Saveurs amères, sucrées et umami
La transduction des cinq goûts primaires ( généralités sur la transduction gustative) est différente selon la saveur en cause :
- transduction par des cations pour les saveurs salées et acides ;
- transduction des molécules sapides par des protéines réceptrices dimériques localisées dans la membrane des cellules réceptrices pour les saveurs amères, sucrées et umami.
La transduction est l'étape de transformation de l'information (transduction sensorielle).
Modèle général de la transduction par des protéines réceptrices dimériques
Les saveurs amères, sucrées et umami, détectées par les cellules de type II, utilisent les voies de transduction reliés aux récepteurs couplés aux protéines G (GPCR) .
- Les mécanismes moléculaires de cette transduction sont complexes et mettent en jeu des récepteurs particuliers de la membrane des cellules gustatives.
- Ce sont des récepteurs métabotropiques lents, les récepteurs vanilloïdes, impliquant des protéines G et des seconds messagers, les récepteurs T1R et T2R.
La molécule sapide active son récepteur (T1R ou T2R) couplé à une protéine G (α-gustducine) qui par l’intermédiaire d’une phospholipase C-β2 (PLCB2), produit de l'inositol 1,4,5-trisphosphate (InsP3) et du diacylglycérol (DAG).
- IP3 se fixe sur son récepteur, InsP3 de type 3 (InsP3R3), ce qui provoque la libération du calcium (Ca++) stocké dans le réticulum endoplasmique ( fonctions des récepteurs InsP3).
- Le taux de calcium intracellulaire augmente et le Ca++ active les canaux TRPM (M pour mélastatine), famille des canaux TRP (Transient Receptor Potential) et, en particulier, TRPM5 dans la membrane plasmatique basolatérale qui devient perméable aux ions Na+ et K+, ainsi que l’ouverture des canaux sodiques voltages dépendants (Nav), créant un flux de sodium qui amplifie la dépolarisation de la cellule, ce qui permet l’émission de potentiels d’action.
En outre, la dépolarisation active la libération d'ATP qui agit à son tour comme neurotransmetteur primaire pour stimuler les récepteurs P2X sur les neurones gustatifs afférents.
Or, les cellules de type II ne possèdent ni vésicules synaptiques, ni expression de gènes intervenant dans leur remplissage.
La découverte récente des canaux CALHM, CALcium Homeostasis Modulator, explique le mécanisme d'action de la la libération d’ATP (CALHM1 ion channel mediates purinergic neurotransmission of sweet, bitter and umami tastes 2013).
- CALHM1, CALcium Homeostasis Modulator 1, canal non sélectif voltage-dépendant, est un élément essentiel à la libération l’ATP en réponse aux potentiels d'action Na+ (CALHM1 ion channel mediates purinergic neurotransmission of sweet, bitter and umami tastes 2013).). En son absence, les composés gustatifs ne et Les souris, en l'absence de CALMH1, ne parviennent plus à stimuler la libération d'ATP et perdent la perception des goûts induits par les GPCR (Salty Taste Deficits in CALHM1 Knockout Mice 2014). Cependant, la cinétique d'activation de ces canaux n'est pas satisfaisante.
- La découverte de CALHM3 a montré que les pores sont formés par des canaux hexamères CALHM1/CALHM3, qui leur confère une synchronisation rapide activée par la tension identique à celle du canal de libération ATP in vivo (CALHM3 Is Essential for Rapid Ion Channel-Mediated Purinergic Neurotransmission of GPCR-Mediated Tastes 2018 et CALHM1/CALHM3 channel is intrinsically sorted to the basolateral membrane of epithelial cells including taste cells 2019).
- Calhm3 est coexprimé avec Calhm1 exclusivement dans les les cellules de type II et sa délétion supprime la libération d'ATP provoquée par le goût des papilles gustatives et la perception du goût par le GPCR
La libération d'ATP par les TBC de type II est inhibée par la carbénoxolone (CBX), inhibiteur de la pannexine (PX) et de la connexine (Cx) qui forment des canaux de grande conductance, formés de deux hémi-canaux, appelés aussi connexons, au travers desquels l'ATP pourrait passer (Action Potential–Enhanced ATP Release From Taste Cells Through Hemichannels 2010). Certains articles récents semblent prouver que ce n'est pas le cas (Mice Lacking Pannexin 1 Release ATP and Respond Normally to All Taste Qualities 2015).
- directement les fibres gustatives primaires via les récepteurs puriques ionotropiques P2X2, P2X3 (1.A.7 ATP-gated P2X Receptor Cation Channel (P2X Receptor) Family et Knocking Out P2X Receptors Reduces Transmitter Secretion in Taste Buds 2011) ;
- indirectement la cellule présynaptique de type III via les récepteurs métabotropiques P2Y4 ou d'autres récepteurs (P2X2, P2X7, P2Y4, P2Y6) présynaptiques. La cellule de type III libère en réponse de la sérotonine (5-HT) qui inhibera en retour la cellule de type II, mettant fin au signal .
Le GABA, libéré également par les cellules de type III, inhiberait la sécrétion d'ATP grâce à la présence de récepteurs GABAA et GABAB sur les cellules réceptrices
L’ADP ou l'adénosine peut exercer un rétrocontrôle positif sur les cellules sensibles au sucré.
L’enzyme NTPDase2 (Nucleoside Triphosphate Diphosphohydrolase-2), située à la surface apicale des cellules de type I, transforme l’ATP en ADP et un phosphate inorganique (Role of the ectonucleotidase NTPDase2 in taste bud function 2013 et réaction de transfert). Cet ADP peut être déphosphorylé en adénosine par NT5E et PAP (Purple Acid Phosphatases). Or, Les récepteurs ADORA2b pour l'adénosine se retrouvent dans les papilles gustatives, de manière sélective sur les cellules de récepteurs sensibles au toucher, et améliorent considérablement le rendement afférent en réponse aux stimuli du goût sucré. L’ADP ou l'adénosine peut stimuler la cellule réceptrice via P2Y1 ou A2BR (A2BR Adenosine Receptor Modulates Sweet Taste in Circumvallate Taste Buds 2012).
L'acétylcholine pourrait aussi être sécrétée par ces cellules pour y exercer un feed-back positif autocrine pour augmenter la sécrétion de l'ATP (Acetylcholine is released from taste cells, enhancing taste signalling 2012).
La noradrénaline peut être recaptée et relarguée par ces cellules sans que l'on sache exactement son rôle sur le goût (Norepinephrine Is Coreleased with Serotonin in Mouse Taste Buds 2008).
Saveur amère
L'amer utilisent les récepteurs T2R (Taste Receptor type 2) qui sont des récepteurs GPCR de classe A comme ceux de la rhodopsine (The Bitter Taste Receptor TAS2R16 Achieves High Specificity and Accommodates Diverse Glycoside Ligands by using a Two-faced Binding Pocket 2017). Ils utilisent l'α-gustducine comme protéine G.
- Leur nombre est variable suivant les espèces : 25 chez l'homme, 50 chez les amphibiens, mais seulement 3 chez le poulet (The Molecular Receptive Ranges of Human TAS2R Bitter Taste Receptors 2010).
- Leur co-expression est très forte dans les cellules gustatives.
Les T2R ont été retrouvés en dehors du système gustatif, notamment dans les systèmes respiratoire, gastro-intestinal, génito-urinaire, cardiovasculaire, thyroïdien, musculo-squelettique, immunitaire et nerveux central (Olfactory, Taste, and Photo Sensory Receptors in Non-sensory Organs: It Just Makes Sense 2018).
Le goût amer du potassium pourrait aussi dépendre d'un canal ionique sensible au K+ sur les cellules de type II, qui ne serait pas connu à l'heure actuelle (Expression and characterization of delayed rectifying K channels in anteriorrat taste buds 2005).
Les cellules gustatives expriment de nombreux types de récepteurs sans toutefois les exprimer tous ce qui permet peut-être une certaine distinction (Genetic Labeling of Tas1r1 and Tas2r131 Taste Receptor Cells in Mice 2012). Toutefois, elles sont sensibles à la plupart des composés amers sans les distinguer.
Les récepteurs à l'amer peuvent se diviser en deux types (Mammalian bitter taste perception 2009) :
- les " spécialisés " qui détectent un ou plusieurs produits chimiques amers ;
- les " généralistes "qui en détectent de nombreux.
Le signal transmis au cerveau est quelque chose comme : « Attention ! Danger ! » et n'a nul besoin d'être spécifique !
Saveurs sucrée et umami
Récepteur T1R
La saveur sucrée et l'umami utilisent les récepteurs T1R (Taste Receptor type 1) qui sont des récepteurs GPCR de classe C qui utilisent l'α-gustducine comme protéine G.
- Le sucré, que ce soit pour les sucres naturels et les édulcorants, est perçu par l'hétérodimère T1R2/T1R3;
- L'umami est perçu par l'hétérodimère T1R1/T1R3.
Ces récepteurs sont caractérisés par :
- un très grand domaine extracellulaire d'environ 600 acides aminés (Structural basis for perception of diverse chemical substances by T1r taste receptors 2017) qui peut se lier aux ligands et à des modificateurs allostériques pouvant augmenter la puissance de l'agoniste ;
- un domaine riche en cystéine qui couple la liaison du ligand à l'activation du récepteur,
- des domaines transmembranaires (TM).
Les récepteurs sucrés et à l'umami se retrouvent également dans les voies respiratoire, gastro-intestinale, le système génito-urinaire, nerveux central, immunitaire et cardiovasculaire (Olfactory, Taste, and Photo Sensory Receptors in Non-sensory Organs: It Just Makes Sense 2018).
Saveur sucrée
Les récepteurs au sucré sont sensibles aux :
- édulcorants naturels (sucres tels que glucose, fructose, sucrose, maltose), ainsi que certains édulcorants artificiels comme l'aspartame se fixent au domaine extracellulaire de T1R2 ;
- édulcorants artificiels, tels que le cyclamate et le lactisole (bloqueur des récepteurs sucrés) ciblent les segments transmembranaires de T1R3,
- acides aminés (D-tryptophane, D-phénylalanine, D-sérine) et protéines sucrées (brazzéine, monelline…) ciblent les domaines riches en cystéine (New insights into the characteristics of sweet and bitter taste receptors 2011).
En outre, il serait possible que la détection des aliments riches en énergie soit possible :
- par dépolarisation cellulaire par la fermeture des canaux K+ sensibles à l'ATP, comme le mécanisme utilisé par les cellules β pancréatiques pour détecter les modifications de la glycémie (Glucose transporters and ATP-gated K+ (KATP) metabolic sensors are present in type 1 taste receptor 3 (T1r3)-expressing taste cells 2011) ;
- par le transporteur de glucose de type 4 (GLUT4) ou le co-transporteur sodium/glucose 1 (SGLT1) est dépendant de Na+. On suppose que l'un de ces transporteurs, ou les deux, font partie d'une autre voie de détection du glucose similaire à celle utilisée dans les cellules β du pancréas (Taste buds : cells, signals and synapses 2017).
Les récepteurs sucrés se retrouvent également dans les voies respiratoire, gastro-intestinale, le système génito-urinaire, le système nerveux central et le système immunitaire (Olfactory, Taste, and Photo Sensory Receptors in Non-sensory Organs: It Just Makes Sense 2018).
Les récepteurs du goût sucré moduleraient les flux calciques par des voies de signalisation paracrines ou par les jonctions communicantes - gap junction - (Sweet Taste Receptor Signaling Network:Possible Implication for Cognitive Functioning 2014).
Saveur umami
L'umami est la sensation provoquée par le glutamate, qui donne un goût plus ' délicieux " aux aliments, sans modifier le goût perçu.
- Alors que chez l'homme, l'umami n'est provoqué que par le glutamate, les souris sont sensibles à une gamme plus étendue d'acides L-aminés (Common Sense about Taste: From Mammals to Insects 2009).
- En outre, cette sensation peut être potentialisé par des nucléotides comme IMP ou GMP.
Mais, les animaux knock-out pour T1R1 ont encore une sensibilité partielle au glutamate, ce qui laisse suggérer la présence d'autres récepteurs du glutamate dans la langue, comme le mGluR - metabotropic glutamate receptors -, (Taste responses in mice lacking taste receptor subunit T1R1 2013).
Puis, tous les récepteurs (amer, sucré, umami) utilisent le même mécanisme général (cf. plus haut).
Ce sont des cellules gustatives diverses, projetant sur des fibres gustatives différentes, qui permettront de fabriquer une carte sensorielle !
Sens chimiquesSens du goût (gustation)SaveursBourgeons et papilles gustativesTransduction gustativeVoies gustatives
- Levesque A. - La gustation chez le chien et le chat - Le Point Vétérinaire - vol 28, n°186, 1997
- Marieb E. N. - Anatomie et physiologie humaines - De Boeck Université, Saint-Laurent, 1054 p., 1993
- Rosenzweig M.R., Leiman A.L., Breedlove S.M. - Psychobiologie - DeBoeck Université, Bruxelles, 849 p., 1998
- Kahle W., Leonhardt H., Platzer W., Cabrol C. - Anatomie, 2, Viscères - Flammarion Médecine-Sciences, Paris, 350 p., 1997
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- Barone R. - Anatomie comparée des mammifères domestiques, Tome 3, Spanchnologie I - Vigot, Paris, 854 p., 1997
- Royal Canin - Guide pratique de l'élevage félin - 344 p.
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- Giffroy J.M. (Prof. Université de Namur, Belgique) - L'éthogramme du chat - 3ème cycle professionnel des écoles nationales vétérinaires, Toulouse, 2000
- Giffroy J.M. (Prof. Université de Namur, Belgique) - L'éthogramme du chien - 3ème cycle professionnel des écoles nationales vétérinaires, Toulouse, 2000