Modifications post-traductionnelles des protéines
Ubiquitination : mécanismes
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L'ubiquitination (ou ubiquitinylation) est une modification post-traductionnelle qui aboutit à la fixation covalente d'une (ou de plusieurs) protéine d'ubiquitine sur la protéine substrat.
Quels en sont les mécanismes ?
Mécanismes généraux de l'ubiquitination
L'ubiquitine doit, pour se fixer sur la protéine-cible, avoir recours à plusieurs enzymes.
E1 (ubiquitin-activating enzyme)
L'enzyme d'activation E1 (E1 ubiquitin-activating enzyme), aussi appelée UBA ou UBE1, agit en se liant à l'ATP-Mg++ et à l'ubiquitine (cf figure), ce qui provoque :
- dans un premier temps, l'adénylylation (ou AMPylation) de l'extrémité C-terminale de l'ubiquitine ;
- dans un second temps, la liaison d'ubiquitine de manière covalente au site actif de l'enzyme E1 : la cystéine catalytique de E1 attaque l'adénylate d'ubiquitine pour former une liaison thioester à haute énergie (Ubiquitin-like protein activation by E1 enzymes: the apex for downstream signalling pathways 2009).
On ne connait qu'une E1 chez la levure (Uba1) et 2 chez l'homme (UBA1 et UBA6).
Les E1 sont composées de 4 domaines fonctionnels (Two Mutations Impair the Stability and Function of Ubiquitin-Activating Enzyme (E1) 2012) :
- deux domaines d'adénylylation, composé par 2 motifs homologues à celui des bactéries Moeb/Thif, le dernier se liant à l'ATP et à l'ubiquitine : IAD et AAD (Inactive et Active Adenylation Domain) ;
- deux domaines catalytiques comprenant la cystéine du site actif - FCCH et SCCH : First and Second Catalytic Cysteine Half-domains - (Crystal Structure of a Fragment of Mouse Ubiquitin-activating Enzyme 2005) ;
- un faisceau de quatre hélices qui suit immédiatement FCCH ;
- un domaine UFD (Ubiquitin Fold Domain) qui recrute E2 (Basis for a ubiquitin-like protein thioester switch toggling E1-E2 affinity 2007) : ce domaine, d'une centaine de résidus - 950-1058 - chez UbE1, est souvent impliqué dans la liaison avec les domaines UBL (A Ubiquitin Shuttle DC-UbP/UBTD2 Reconciles Protein Ubiquitination and Deubiquitination via Linking UbE1 and USP5 Enzymes 2014).
E2 (ubiquitin-conjugating enzyme)
E1 recrute une enzyme de conjugaison E2 (E2 ubiquitin-conjugating enzyme), appelée aussi UBC ou UBE2 (The family of ubiquitin-conjugating enzymes (E2s): deciding between life and death of proteins 2010).
- E1 transfère le thioester d'ubiquitine à la cystéine par trans-thiolation ou trans-thioestérification (Structural Insights into E1-Catalyzed Ubiquitin Activation and Transfer to Conjugating Enzymes 2008).
- Ce processus est précédé par un changement conformationnel qui font se rapprocher les deux cystines catalytiques (cf. figure ci-dessus), ce qui permet aussi le relargage de E1 (cf. plus bas).
E2, avec l'aide de la E3-ubiquitine ligase appelée aussi UBE3, lie, via un pont isopeptidique, l'ubiquitine, par sa glycine terminale (G76 par son acide carboxylique), à la lysine (groupe ε-amine : NH3+ attaché au 5ème carbone, lui-même lié au groupe carboxyle ($\ce{-C(=O)OH}$) terminal) de la protéine cible (New insights into ubiquitin E3 ligase mechanism 2014 et HECT and RING finger families of E3 ubiquitin ligases at a glance 2012).
L'énergie stockée dans la liaison thioester E2~Ubl est utilisée pour cette liaison.
On connait 11 E2 chez la levure et près d'une trentaine chez l'homme : plus d'une centaine ont été décrites (cf. Wikipedia).
- UBE2A, 2B, 2C, 2D1…
- Ubc1, 2…
- ATG3, BIRC6 et UFC1.
Domaine UBC
Les E2 contiennent un domaine UBC, domaine de conjugaison à l'ubiquitine d'environ 150 acides aminés, à structure compacte ellipsoïde, comprenant (Crystal Structure of a Ube2S-Ubiquitin Conjugate 2016 et E2S: structurally economical and functionally replete 2011) :
- quatre hélices α et une courte hélice 310 près du site actif,
- un feuillet β (β sheet) anti-parallèle à quatre brins.
La cystéine du site actif est entouré d'acides aminés hautement conservés qui interviennent à la fois :
- dans la liaison thioester (réception de l'ubiquitine de E1),
- dans l'ubiquitination du substrat (liaison isopeptidique à la lysine du substrat). On retrouve, en particulier, un motif HPN (His-Pro-Asn), 10 résidus avant la cystéine catalytique (Architecture of the catalytic HPN motif is conserved in all E2 conjugating enzymes 2012).
- L'histidine structure le site actif et l'asparagine régule la catalyse de la liaison isopeptidique (triade catalytique).
- Asn85 du motif HPN de Ube2I, mais aussi, Tyr87 et Asp127 jouent un rôle important dans la réduction du pka de la lysine de substrat pour permettre l'attaque nucléophile du lien Ube21~SUMO.
Le site actif comprend un aspartate ou une sérine qui, elle, peut être phosphorylée - CES/D : Conserved E2 Serine/Aspartate - (E2 superfamily of ubiquitin-conjugating enzymes: constitutively active or activated through phosphorylation in the catalytic cleft 2015).
- La taille et la charge négative de ce groupe (aspartate naturellement ou sérine phosphorylée, par exemple dans Ube2a ou Rad6) aligne la lysine du substrat et la cystéine catalytique de E2 pour contrôler l'efficacité de l'ubiquitination.
- Les E2 qui contiennent une sérine peuvent être régulées alors par phosphorylation.
Dans Ube2I, hors D127, on retrouve d'autres résidus essentiels.
- Glu98 contribue à une formation en trident d'interactions électrostatiques, Glu98-Lys du substrat-CES/D127.
- Tyr87, résidu aromatique à chaîne latérale, maintient la lysine au sein de la fente catalytique E2 (cf. figure ci-contre).
E2 entre en interaction à la fois avec E1 et E3 et leurs contacts se chevauchent en partie, ce qui implique que E2 doit être libérée de l'E3 pour reprendre une ubiquitine (E2 conjugating enzymes must disengage from their E1 enzymes before E3-dependent ubiquitin and ubiquitin-like transfer 2005).
- Le site d'interaction canonique E1/E3 comprend des résidus de l'hélice N-terminale (H1) et les boucles 4 et 7 (L4 et L7, parfois appelée L1 et L2).
- Toutefois, d'autres sites d'interactions peuvent être utilisés (le " backside ", site opposé au site actif, l'extrémité C-terminale ou même le site actif.
- Dans l'article E2S: structurally economical and functionally replete 2011, vous pouvez étudier les interactions entre les E2 et les autres protéines.
Extensions N- et C-terminales
Les E2 possèdent des extensions N- et C-terminales spécifiques, qui contribuent à leur spécialisation.
En effet, les E2 interagissent avec des E3-ubiquitine ligases relativement spécifiques, ce qui explique leur nombre élevé (plus de 600 chez l'Homme).
- UBC6 et UBC7 interagissent avec les ERAD (Endoplasmic-reticulum-associated protein degradation).
- UbcH10 (UBE2C) est le partenaire de l'APC (Anaphase Promoting Complex) et a un rôle dans les cancers (Overexpression of the E2 ubiquitin–conjugating enzyme UbcH10 causes chromosome missegregation and tumor formation 2010).
Variantes du mécanisme général
Il existe 2 variantes :
- Le famille RING, comme la famille des U-box par ailleurs, facilitent le transfert de l'ubiquitine par l'orientation spatiale précise de l'enzyme de conjugaison E2 (E2 ubiquitin-conjugating enzyme) par rapport au substrat et catalysent le transfert direct de l'ubiquitine au groupe ε-amine de la lysine du substrat.
- Par contre, la famille HECT et la famille RBR effectue ce processus en deux étapes : l'ubiquitine est d'abord transférée de l'E2 à un site cystéine actif dans l'E3, puis de l'E3 au substrat.
Remarque : Si l'ubiquitine est, en général, transférée à l'extrémité N-terminale des protéines, elle peut aussi se lier à d'autres acides aminés comme la thréonine, la sérine ou la cystéine (Ubiquitylation of an ERAD substrate occurs on multiple types of amino acids 2010).