En mathématiques, une fonction propre d'un opérateur linéaire $\hat O$, définie sur un espace fonctionnel quelconque, est une fonction non nulle $f$ dans cet espace qui, lorsqu'on applique cet opérateur, n'est multipliée que par un facteur d'échelle $\lambda$ appelé valeur propre.
L'équation peut être écrite : $\hat O f=\lambda f$.
Opérateur scalaire
$lambda$, la valeur propre, peut être un scalaire et alors les fonctions propres sont les vecteurs propres (cf. plus bas).
Les valeurs possibles de $\lambda$ sont généralement limitées, par exemple à un ensemble discret ou à un ensemble continu sur une certaine plage.
L'ensemble de toutes les valeurs propres possibles de $\hat O$ est parfois appelé son spectre, qui peut être discret, continu, ou une combinaison des deux.
Chaque valeur de $\lambda$ est associé à une ou plusieurs fonctions propres.
Si plusieurs fonctions propres linéairement indépendantes ont la même valeur propre, la valeur propre est dite dégénérée.
Transvection où le vecteur bleu est un vecteur propre :
il ne change pas la direction. La valeur propre est 1.
(Figure : vetopsy.fr d'après TreyGreer62)
Si $\hat N$ est l'opérateur " $\times 2$ " : alors $\hat N(x^2)=2x$ ou $\hat N(\cos x)=2\cos x$, d'où $\hat Nf(x)=2f(x)$. Toute fonction $f$ est fonction propre de $\hat N$ et la seule valeur propre est $2$.
Le nombre maximal de fonctions proprses associées à la même valeur propre est appelé degré de dégénérescence ou multiplicité géométrique de la valeur propre. Dans le cas précédent, la valeur propre est infiniment dégénérée.
Soit $\mathcal E$ un espace vectoriel sur $\mathbb K$ et $u$ est un endomorphisme de $\mathcal E$.
1. Le vecteur $\vec x$ de $\mathcal E$ non nul est dit vecteur propre de $u$ si et seulement s'il existe un élément $\lambda$ de $\mathbb K$ tel que $u(x)=\lambda x$, i.e. $\lambda$ modifie la taille sans changer la direction.
2. Le scalaire $\lambda$ élément de $\mathbb K$ est dit valeur propre de $u$ si et seulement s'il existe un vecteur $x$ non nul de E tel que $u(x)=\lambda x$, i.e. $\lambda$ peut être positif, négatif ou nul.
3. Le sous-espace vectoriel de $\mathcal E$ est dit espace propre de $u$ s'il est formé par l'ensemble constitué des vecteurs propres de valeur propre $\lambda$ et du vecteur nul.
Opérateur différentiel
Équation pour un anneau (r=2 et R=4)
avec des conditions limites
(lFigure : vetopsy.fr d'après Skitzou)
Si l'opérateur est un opérateur différentiel, i.e. $\hat D=\dfrac{d}{dx}$, alors par exemple :
$\hat D(x^2)=2x$ ou $\hat D(\sin x)=\cos x$, d'où $\hat Df(x)=\dfrac{df}{dx}(x)$.
Il faut donc trouver les fonctions propres qui résolvent l'équation : $\forall x,\;\dfrac{df}{dx}(x)=\lambda f(x)$.
Si on multiplie de chaque coté par $\dfrac{dx}{f(x)}$ et on en fait l'intégration, alors on trouve une fonction exponentielle qui est une fonction propre de l'opérateur différentiel : $f(x)=f_0e^{\lambda x}$.
$f_0$ est un paramètre dépendant des conditions aux limites ;
$f_x$ est fonction de sa propre valeur propre $\lambda$ qui peut être réelle ou complexe (si $\lambda=0, la fonction $f(x) est une constante).
On peut appliquer les mêmes processus aux opérateurs hermitiens (endomorphismes autoadjoints) qui agissent sur l'espace de Hilbert (cf. plus bas).
Calcul matriciel simple
Les opérateurs linéaires peuvent être exprimés sous forme de matrices, bien qu'ils puissent avoir des dimensions infinies.
Les fonctions propres peuvent être exprimées en vecteurs colonne, i.e. une matrice colonne comprenant n lignes et 1 colonne. Un vecteur colonne est donc le plus souvent identifié à un vecteur de l'espace vectoriel considéré.
Prenons un exemple simple et réel, sachant qu'on utilise des matrices à nombres complexes : cet exemple est tiré de l'université en ligne où vous pouvez suivre le calcul matriciel.
Soit $A=\begin{pmatrix}5&-3\\6&-4\end{pmatrix}$.
1. Les valeurs propres sont des scalaires $l$ tels que : $det(A-\lambda I_2)=0\Leftrightarrow\begin{vmatrix}5-\lambda&-3\\6&-4-\lambda\end{vmatrix}=0$
Prenons une image dans un miroir plan pour bien comprendre :
un vecteur collé au miroir (en rouge) donne comme image lui-même : le plan du miroir est un espace propre associé à la valeur propre 1.
un vecteur perpendiculaire au miroir (en bleu) donne comme image un vecteur de même longueur, de même direction, mais de sens opposé (en jaune) : c'est un vecteur propre de valeur propre -1.
Chien dans un miroir
un vecteur ni collé ni perpendiculaire donne une image qui n'est pas dans le même axe que lui, ce n'est donc pas un vecteur propre.
Dans cet exemple, le comportement des vecteurs propres décrit intégralement l'application, en effet tout vecteur est la somme d'un vecteur dans le plan de la glace et d'un vecteur perpendiculaire.
Si on gonfle un ballon, la dilatation allonge tous les vecteurs (sauf le vecteur nul) du centre du ballon : ce sont donc tous des vecteurs propres (homothétie).
Les états stables des électrons sont modélisés par des vecteurs propres dont les valeurs propres correspondent à des états d'énergie.
Endomorphisme diagonalisable
Définition
Un endomorphisme est dit diagonalisable si et seulement s'il existe une base de vecteurs propres.
Reprenons l'exemple matriciel précédent (université en ligne) avec $A=\begin{pmatrix}5&-3\\6&-4\end{pmatrix}$.
Endomorphisme diagonalisable
(Figure : vetopsy.fr d'après Jean Luc W)
La matrice diagonale est donc formée des valeurs propres.
Reprenons l'exemple du miroir.
Choisissons par exemple, 2 vecteurs dans le plan du miroir (vecteurs propres de valeur propre $+1$ - i.e. ce sont leurs propres images -), et un perpendiculaire au miroir (vecteur propre de valeur $-1$).
La réduction d'endomorphisme sera simple : on décompose l'espace vectoriel en une somme directe de sous-espaces stables de dimension 1 qui sont des droites.
Caractériser un endomorphisme diagonalisable consiste à étudier un polynôme caractéristique (polynômes de l'endomorphisme). L'intérêt du concept est que si $u$ est un endomorphisme de $\mathcal E$.
On peut l'appliquer deux fois de suite et l'application sera $u^2$ qui aura une puissance entière positive.
On peut trouver des polynômes annulateurs de l'endomorphisme. Les projecteurs ($p^2=p$) et les symétries ($s^2=Id$) en sont les exemples les plus simples.
Sur la figure ci-contre, un endomorphisme autoadjoint transforme la boule unité en un ellipsoïde dont les axes sont les vecteurs propres et les longueurs des demi-axes les valeurs absolues des valeurs propres.
Cette approche est appelée réduction d'endomorphisme, car elle permet de résoudre des problèmes en créant de nouveaux espaces fournissant des bases qui permettent le calcul d'angles et de distances, comme en mécanique quantique sur l'espace de Hilbert.
En outre, les vecteurs et valeurs propres, de l'endomorphisme auto-adjoint associé, sont des invariants, des êtres qui décrivent les grandeurs naturelles et caractéristiques de la géométrie considérée.
L'endomorphisme autoadjoint est aussi appelé opérateur hermitien (i.e. symétrique).
Sur ces espaces de Hilbert de dimension finie, un endomorphisme autoadjoint :
est diagonalisable dans une certaine base orthonormée, i.e. les fonctions propres de l'opérateur hermitien forment cette base orthonormée.
possède des valeurs propres (même dans le cas hermitien) réelles.
On entre alors dans la théorie spectrale, introduit par Hilbert pour ses espaces.
Le théorème spectral initial était donc conçu comme une généralisation du théorème définissant les axes principaux d'un ellipsoïde, dans le cas d'un espace de dimension infinie.
Il donne des conditions permettant d'exprimer un opérateur comme somme d'opérateurs plus simples (dits opérateurs compacts).
Dans ces cas, une fonction arbitraire peut être exprimée comme une combinaison linéaire des fonctions propres de l'opérateur hermitien. Cela permet de résoudre l'équation de Schrödinger indépendante du temps : $H\psi(r)= E\psi(r)$.