Psychopathologie
Crainte et peur
en psychopathologie vétérinaire
- En construction
Les définitions de la crainte et la peur sont des notions difficiles à appréhender car leurs définitions sont très variables suivant les auteurs.
En effet, les termes crainte, peur et même phobies sont souvent interchangeables alors qu'elles font appel à des concepts différents.
Définitions en psychopathologie humaine
1. Le mot " peur " dérive du latin pavor, lequel désigne l’effroi, l’épouvante et, par affaiblissement, un sentiment de crainte ainsi que l’émotion qui saisit et fait perdre le sang froid (dictionnaire historique de la langue française).
- Peur est devenu le nom général de l’émotion qui accompagne la prise de conscience d’un danger, avec diverses nuances d’intensité selon le contexte, en général moins fortes que frayeur, effroi.
- La peur recouvre le sentiment d’un danger tant physique que moral, tangible qu’irrationnel. La locution avoir peur exprime une appréhension latente, vague.
Ce chapitre a été repris, mot pour mot, de Craintes, peurs, insécurités de Pierre De Visscher (2015).
2. Le mot " phobie " dérive du grec phobos : celui-ci désigne une fuite (due à la panique), d’où un effroi, une peur intense et irraisonnée.
- " Phobe " exprime l’aversion " instinctive ", l’hostilité irraisonnée ou parfois l’absence d’affinité vis-à-vis de quelqu’un ou quelque chose.
- Les mots construits avec " phobe " comme adjectif appartiennent à la psychologie et à la psychopathologie et s’opposent, le plus souvent, à des mots composés avec " phile ".
En conclusion, en humaine, la phobie est un terme psychopathologique et par extension, désigne la peur ou l'aversion intense alors que la crainte est un sentiment et une émotion plus faible que la peur.
Définitions en psychopathologie
vétérinaire
Pour nous, vétérinaires comportementalistes et zoopsychiatres, les trois termes (crainte, peur et phobie) ont des significations différentes, i.e. importantes sur le plan sémiologique.
Crainte
Conditions d'apparition
1. La crainte est (de latin tremere, trembler), c'est éprouver un sentiment de recul, d'inquiétude devant ce que l'on considère comme dangereux, douloureux ou pénible.
Ce peut être :
- un stimulus inconnu (facteur, pompier, blouse blanche, espèce inconnue…..),
- un stimulus déjà rencontré et connu comme désagréable,
- un prédateur.
La crainte est orientée vers un objet précis.
2. L'intrus franchit la distance de sécurité (ou de fuite).
Milieu ouvert
et manifestations
comportementales
1. Lors de crainte, les réponses neurovégétatives sont modérées.
2. L'animal met en oeuvre des réactions comportementales pour diminuer la tension émotionnelle procurée par le stimulus et pour pouvoir s'y soustraire, i.e. la situation est dite ouverte :
- la fuite (flight), i.e. comportement le plus fréquent ( différences entre échappement et évitement), vous verrez dans les phobies pour quoi j'ai incorporé cette photo ici.
- l'immobilité (freeze), i.e. provoque le désintérêt du prédateur.
Hormis la faim, la prédation est le plus souvent déclenchée par le mouvement, i.e. c’est une tactique courante chez les opossums et les souris par exemple ;
- l'agression (fight), i.e. essayer de provoquer l'éloignement ou la fuite de l'adversaire.
La crainte est donc une réaction modérée lors d'un contact avec un stimulus (connu ou inconnu), jugé faiblement dangereux par l'animal et auquel il peut se soustraire, i.e. situation qui se produit en situation ouverte.
Peur
Conditions d'apparition
La peur est la réaction comportementale violente d'un individu face à un stimulus inconnu/connu et jugé fortement dangereux dans un milieu qui ne permet pas la fuite ou l'exploration.
La peur, orientée vers un objet précis, apparaît en situation fermée.
Milieu fermé et manifestations comportementales
1. Les réponses neurovégétatives sont importantes :
- ptyalisme (salivation),
- baillements,
- halètements,
- mictions ou défécations émotionnelles,
- vidange des glandes anales…
2. L'animal ne peut plus mettre en œuvre des réactions comme la fuite (ou l'immobilité, beaucoup plus rare) car la situation est fermée, i.e. il ne peut pas se soustraire au stimulus dangereux.
Il faut bien comprendre que la situation peut être considérée comme fermée dans deux cas.
- Physiquement, le milieu ne permet ni l'exploration, ni la fuite.
- Psychiquement, l'animal est " enfermé " dans sa tête et considère la problématique comme " sans issue ".
3. Cette situation fermée peut produire deux catégories de comportements.
a. Les agressions défensives sont explosives comme si la vie de l'animal était en danger, i.e. ce qui peut être le cas par ailleurs dans des situations " normales ", mais inadapté dans les états pathologiques comme l'anxiété par exemple.
Plus on se rapproche de la distance critique, plus la peur est importante et plus l'agression est violente ( agression par peur).
b. La mise en œuvre d’activités dites de substitution, i.e. activité sans relation directe avec le contexte initial, comme le léchage par exemple, mais aussi la boulimie et la potomanie permet de diminuer la tension émotionnelle lors d'anxiété permanente.
4. Dans la peur, comme la capacité adaptative de l'animal est dépassée, le retour au calme ne peut se faire que très tardivement.
Sidération émotionnelle
ou psychique
La sidération émotionnelle, plus rare, se produit face à un stress violent en situation fermée.
1. Le chien présente alors un véritable processus d'inhibition, caractérisé par une :
- prostration,
- anorexie,
- absence de réaction.
2. Ces réactions sont physiologiques quand elles sont spontanément réversibles : l'animal reprend un comportement à peu près normal dès que le stimulus stressant disparaît.
3. Cependant, elles peuvent entraîner le syndrome de stress post-traumatique (PTSD), impactant les structures cérébrales impliquées dans la mémoire (système limbique).
L’amygdale à l’origine des réponses émotionnelles, est rendue hyperactive par la confrontation à des stresseurs majeurs et en l’absence d’une modulation ou d’une extinction due à un état de sidération du psychisme lors du traumatisme.
Remarque : vous pouvez lire de nombreuses pages sur le web sur la sidération psychique chez l'homme :
- du point de vue neurologique et psychopathologique (Traumatismes psychiques : conséquences cliniques et approche neurobiologique 2013),
- du point de vue psychologique (A quoi sert la Sidération ? et La mémoire traumatique : violences sexuelles et psycho-trauma).
État pathologiques élémentaires
La crainte ou la peur, quand elle est répétée, peuvent conduire :
- à un état phobique lors de l'exposition à un stimulus ou à un groupe de stimuli bien défini, i.e. stimuli homogènes,
- à un état anxieux lors de réactions de peur systématique en réponse à toute variation du milieu, interne ou externe, i.e. sans objet précis,
- à un état dépressif lors de sidération émotionnelle durable.
Ces états pathologiques élémentaires sont étudiés dans des chapitres spéciaux.
Processus pathologiques élémentaires
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