Cognition
Conscience
Conscience de soi : les deux réseaux
- En construction
La conscience de soi est divisée en deux parties anatomiquement distinctes : la conscience de soi physique ou corporelle (BSC ou Bodily Self-Consciousness) et la conscience de soi cognitive ou narrative.
Conscience de soi (self-consciousness)
Vous pouvez lire : The perspectives of mapping and monitoring of the sense of self in neurosurgical patients (2021) et Understanding the neural bases of bodily self-consciousness: recent achievements and main challenges (2023)
1. William James (1842-1910), en 1890 dans The principles of Psycholgy, a été l’un des premiers à diviser la conscience de soi en deux parties anatomiquement distinctes :
- la conscience de soi physique ou corporelle (BSC ou Bodily Self-Consciousness), le " je " au sens large,
- la conscience de soi cognitive ou narrative , le " moi ", i.e. pensées actives ou passives sur le passé ou l'avenir qui incluent la mémoire, les habitudes, la personnalité, les émotions, les sentiments sur nous ou sur les autres…
2. Toutefois, ces deux systèmes interagissent en permanence l'un avec l'autre.
Conscience de soi physique ou corporelle (BSC ou Bodily Self-Consciousness)
Vue d'ensemble de la BSC
1. Le BSC est une expérience implicite et préréflexive d'être le sujet d'une expérience donnée est proposée comme une auto-représentation de bas niveau, basée sur des mécanismes de perception de signaux corporels multisensoriels.
Préréflexive se dit d'un moment de la conscience au cours duquel elle ne réfléchit pas sur elle-même, mais est pleinement consciente d'elle-même,
a. Les principales caractéristiques de la BSC sont (Neural bases of the bodily self as revealed by electrical brain stimulation: A systematic review 2023 et Behavioral, Neural, and Computational Principles of Bodily Self-Consciousness 2015) :
- l'appropriation du corps (body ownership), i.e. le sentiment que le corps physique et ses parties, comme les mains et les pieds, appartiennent à « moi » et sont « mon » corps,
- la localisation personnelle ou auto-localisation (self-location), i.e. l'expérience d'occuper un volume déterminé dans l'espace, normalement localisé à l'intérieur des limites corporelles,
- l'auto-identification, i.e. le degré auquel un organisme s'identifie au contenu d'une représentation globale du corps, i.e. Perceptions corporelles propres qui peuvent être verbalisées : taille, poids, forme du corps…
- la perspective à la première personne, le " je " au sens strict, i.e. l'expérience de la position à partir de laquelle « je » perçois le monde, expérience d'une perspective égocentrique sur le monde et le soi.
- le sentiment d'agir (agency), i.e. le sentiment de contrôler ses propres actions.
b. Les expériences sur ces cinq différentes parties sont résumées dans un tableau ( tableau).
Les perturbations de la localisation de soi peuvent être traitées séparément pour les illusions vestibulaires, les illusions proprioceptives et les expériences hors du corps (OBE).
2. « Votre sens du soi physique ou corporel représente votre organisme dans l'immédiat ici et maintenant, avec un point de vue particulier qui est le vôtre, votre perspective à la première personne sur le monde qui vous entoure. Personne ne le partage. » Parvizi dans Causal evidence for the processing of bodily self in the anterior precuneus (2023).
Traitement
des signaux
La BSC est sous-tendue par des mécanismes cérébraux qui traitent les signaux sensoriels liés au corps provenant de l'espace extérieur au corps, i.e. signaux corporels extéroceptifs, mais aussi intéroceptifs, provenant des organes internes, i.e. cardiaques, respiratoires, intestinaux… (Coupling Inner and Outer Body for Self-Consciousness 2019).
a. Pour tester l’intégrité du BSC, des paradigmes expérimentaux ont été développé qui consistent à étudier la perception de stimuli corporels multisensoriels en exposant les personnes à des entrées sensorimotrices contradictoires à l’aide de différentes techniques :
- la rubber hand illusion, main en caoutchouc ( vidéo) et The rubber hand illusion is influenced by self-recognition 2020),
- la full-body illusion (Full body illusion and cognition: A systematic review of the literature 2022).
b. Ces deux dernières techniques permettent de manipuler l'auto-identification illusoire avec une fausse main ou un corps, un mannequin ou un corps virtuel, i.e. un avatar (Bodily self‐recognition in patients with pathological embodiment 2022 et Reshaping the full body illusion through visuo-electro-tactile sensations 2023).
1. De nombreuses expériences ont été réalisées par exemple sur les battements cardiaques (Knowing your own heart: Distinguishing interoceptive accuracy from interoceptive awareness 2015).
L'activité dans le cortex cingulaire postérieur gauche et droit, s'étendant jusqu'à l'aire motrice supplémentaire (SMA), et le cortex insulaire gauche sont associés à des changements de BSC, i.e. auto-identification avec l'avatar (Transient Modulations of Neural Responses to Heartbeats Covary with Bodily Self-Consciousness 2016 et Neural sources and underlying mechanisms of neural responses to heartbeats, and their role in bodily self-consciousness: an intracranial EEG study 2018).
2. Une autre étude a analysé la corrélation entre la physiologie intestinale et la BSC (Gut markers of bodily self-consciousness in men 2022).
Les données électrogastrographiques montrent une relation entre l'activité physiologique de l'estomac, pH, température et l'auto-identification avec un avatar virtuel.
3. Si la distinction conceptuelle et les mécanismes neuronaux sont distincts entre le moi corporel et le moi cognitif, les deux notions se chevauchent ( chevauchement des deux réseaux).
Conscience de soi cognitive ou narrative
La conscience de soi cognitive ou narrative se trouve dans le réseau de mode par défaut.
Le réseau du mode par défaut (DMN pour Default Mode Network), le plus grand réseau de repos (RSN), constitué de nombreuses aires cérébrales impliquées dans la cognition ( anatomie du DMN), est associé à de nombreux processus cognitifs.
1. Contrairement aux aspects corporels préréflexifs et perceptifs du soi corporel de niveau inférieur, le soi cognitif est plutôt de nature réflexive et intégrée et implique des fonctions cognitives telles que le langage, la mémoire, l'imagerie mentale et des aspects symboliques et abstraits (Self-referential processing in our brain—A meta-analysis of imaging studies on the self 2006).
- En d’autres termes, le soi cognitif regroupe des processus cognitifs d’ordre supérieur permettant à un sujet de réfléchir et de comprendre si un contenu mental spécifique est lié à lui-même et à sa propre personne.
- Il est caractérisé par les pensées actives ou passives sur le passé ou l'avenir qui incluent la mémoire, les habitudes, la personnalité, les émotions, les sentiments sur nous ou sur les autres…
2. Différentes composantes cognitives liées au soi cognitif peuvent être étudiées (Consciousness science and its theories Consciousness explained or described? 2022) :
a. la reconnaissance visuelle de son propre visage (Self-face recognition activates a frontoparietal "mirror" network in the right hemisphere: an event-related fMRI study 2004),
b. la reconnaissance auditive de son propre nom ou de sa propre voix (Allocation of attention to self-name and self-face: An ERP study 2010) ;
c. les éléments de mémoire tels que le rappel d’informations personnellement pertinentes ou de sa propre personnalité, en évaluant les souvenirs épisodiques et autobiographiques ( conscience de soi et mémoire).
3. Le soi cognitif, tel que défini ici, recoupe des notions antérieures de notions de soi de niveau supérieur :
- le soi mental de William James,
- le soi étendu d'Antonio Damasio (The feeling of what happens: Body and emotion in the making of consciousness 1999),
- le moi narratif de Shaun Gallagher (Philosophical conceptions of the self: implications for cognitive science 2000) et Daniel Dennett (Consciousness Explained 1991).
4. Rappelons que si la distinction conceptuelle et les mécanismes neuronaux sont distincts entre le moi corporel et le moi cognitif, les deux notions se chevauchent ( chevauchement des deux réseaux).
Événements sensoriels et conscience
Est-ce que les réseaux cérébraux impliqués dans l'expérience consciente des événements sensoriels, i.e. sans auto-représentation se chevauchent avec ceux qui sous-tendent le BSC, i.e. l'expérience d'un soi-même corporel.
1. La stimulation de divers sites corticaux et sous-corticaux peut évoquer :
- une variété d'expériences conscientes dépourvues d'autoreprésentation, i.e. phosphènes, hallucinations auditives, sensations somatosensorielles (Electrical stimulation of the human brain: perceptual and behavioral phenomena reported in the old and new literature 2010),
- des distorsions du sens de soi, i.e. sensation d'irréalité, expérience hors du corps (OBE)… (Neural bases of the bodily self as revealed by electrical brain stimulation: A systematic review 2023).
2. Lors des effets de la stimulation électrique intracrânienne (iES) directe chez des patients épileptiques, le taux d'élicitation de l'expérience consciente, principalement dépourvue d'auto-représentation, était élevé dans les cortex pariéto-temporal (TPJ) et occipital plutôt monosensoriel à la base de la hiérarchie corticale (Intrinsic network architecture predicts the effects elicited by intracranial electrical stimulation of the human brain 2020).
En revanche, ils ont rapporté que la stimulation électrique des cortex hétéromodaux placés plus haut dans la hiérarchie corticale, comme le cortex préfrontal, avait un taux d'élicitation beaucoup plus faible, i.e. de manière plus générale dans le réseau du mode par défaut (DMN pour Default Mode Network).
3. Si la stimulation électrique du cortex orbitofrontal (OFC) et du cortex cingulaire antérieur (AAA) peut perturber l'expérience consciente, celle du cortex préfrontal antérolatéral ne semble pas modifier la relation avec l'environnement immédiat (Does the Prefrontal Cortex Play an Essential Role in Consciousness? Insights from Intracranial Electrical Stimulation of the Human Brain 2021).
Ce résultat semble être en contradiction avec la théorie de l'espace de travail global (Global Workspace theory), dans laquelle l'expérience consciente nécessite que les informations entrantes soient propagées vers les cortex préfrontal, cortex pariéto-temporal (TPJ) et cingulaire (Should a Few Null Findings Falsify Prefrontal Theories of Conscious Perception? 2017).
En conclusion, les résultats d'études de stimulation intracrânienne indiquent un fort chevauchement entre les réseaux cérébraux qui sous-tendent l'expérience consciente d'événements sensoriels dépourvus d'auto-représentation et ceux impliqués dans le BSC.
Ainsi, la conscience d'un soi corporel peut partager des mécanismes de cerveau similaires avec une expérience consciente, principalement dans les cortex sensorimoteurs, soulignant à nouveau la nature incarnée du BSC.
Réseaux neuronaux partagés qui sous-tendent
le soi corporel et le soi cognitif
En construction