Conditionnement classique
Réaction émotionnelle conditionnée

Citation

« Au commencement était l'émotion. »

Céline

« La vie s'arrête lorsque la peur de l'inconnu est plus forte que l'élan. »

Hafid Aggoune

Sommaire

Manifestations émotionnelles

Un individu est sans cesse confronté à des modifications de son environnement.


La plupart du temps, il fait face sans difficulté à ces situations nouvelles grâce à son savoir inné et acquis.


Dans certains cas cependant, il n'existe pas de plan de conduite préétabli, adapté à la situation à laquelle l'individu est confronté : il est sujet à une émotion qui est la prise de conscience que le répertoire comportemental (inné ou acquis) ne contient pas de solution programmée à la situation présente.

La peur, la joie, la colère, le chagrin, l'agressivité… sont des émotions.

Une émotion concerne donc l'adaptation à un comportement.


Une réaction émotionnelle, ou émotion (du latin ex - hors de - et motio - mouvement -), est un sentiment que chaque être humain peut identifier en lui-même et analyser par introspection
.

On peut en parler à son entourage avec plus ou moins d'objectivité et avec plus ou moins de sincérité.

Cette émotion peut être :

  • positive, c'est-à-dire agréable (joie, bonheur, exaltation...),
  • négative, c'est-à-dire désagréable (chagrin, peine, anxiété, peur, culpabilité, colère, rage...).


Une émotion n'est pas seulement un phénomène intérieur, cognitif, elle est en effet accompagnée par des manifestations comportementales et physiologiques qui, elles, sont extérieures et observables.

On les désigne parfois par le terme de décharge clonique.

Manifestations comportementales

Les manifestations comportementales varient beaucoup d'un individu à l'autre et d'une situation à l'autre.

Devant un danger qui provoque une émotion de peur, selon les espèces animales, trois types principaux de réponses comportementales peuvent être observés :

Manifestations physiologiques

Les manifestations physiologiques sont principalement des réactions :

  • cutanées (sécrétion sudoripare, vasoconstriction, piloérection),
  • respiratoires (fréquence et amplitude augmentées),
  • musculaires (tonus augmenté),
  • endocrines,
  • sanguines (augmentation du nombre des globules rouges, hyperlipémie, hyperglycémie),
  • cardio-vasculaires (tachycardie, hypertension ou hypotension artérielle),
  • digestives (inhibition ou excitation de la motilité du tube digestif).


Ces manifestations peuvent varier d'une émotion à l'autre, mais ne sont pas spécifiques d'une émotion particulière : le même tableau physiologique peut être généré par deux émotions différentes.

Phobie des coups de feuUn chien présente une réaction de peur lorsque retentit un coup de tonnerre. Cette réaction est innée et consiste en une émotion, phénomène intérieur accompagné de manifestations physiologiques telles qu'une tachycardie, une piloérection et des manifestations comportementales telles que la fuite.

L'homme peut rougir de joie, de colère ou de honte. On peut pleurer de chagrin ou de joie.


L'aspect intérieur de l'émotion est purement subjectif. En tant que tel, il ne peut être étudié que par introspection.

Pour savoir ce que l'individu humain ressent, il n'y a qu'un moyen, écouter ce qu'il en dit. Ce discours peut ne traduire cependant qu'une partie de ce que le sujet vit. Il peut être interprété de plusieurs manières différentes, il peut manquer de sincérité...


L'animal ne pouvant parler, l'étude de ses émotions doit s'appuyer sur d'autres moyens. Les seuls faits observables sont les manifestations comportementales et physiologiques qui accompagnent l'émotion.

Réactions émotionnelles conditionnées de peur


Certaines réactions émotionnelles sont innées !


D'autres surviennent suite à des stimuli ayant acquis cette signification par apprentissage : c'est le conditionnement classique qui, dans ce cas, est mis en oeuvre.

Ces " émotions apprises " sont appelées des réactions émotionnelles conditionnées, symbolisées REC. Elles peuvent être :

  • positives,
  • négatives.

En éthologie des animaux domestiques, ce sont les REC de peur qui sont les plus importantes.

Manifestations émotionnelles de peur


Une réponse émotionnelle de peur constitue en elle-même un stimulus aversif


La situation stimulante qui la déclenche est donc, de toute façon, renforcée négativement, même si aucune autre conséquence désagréable n'apparaît (interprétation des renforcements négatifs).

Un chien présente une réaction de peur (RI) lorsque retentit un coup de tonnerre (SI).

  • L'intensité du bruit est de 120-130 dB.
  • Par conditionnement classique, il présente aussi une réponse de peur (RC) dès que la pression atmosphérique (SC) diminue.

REC lors d'injection du vétérinaireC'est par conditionnement classique qu'un chien, après quelques consultations, associe la blouse blanche du vétérinaire (SC) à des manipulations désagréables et des piqûres (SI). Il y réagit par une réponse cognitive de peur, accompagnée :

  • de manifestations physiologiques telles que la tachycardie et la piloérection,
  • de manifestations comportementales telles que des tentatives de fuite ou des agressions.

De même, dans la vie de tous les jours, une situation ou une personne particulière peuvent être associées à une douleur et provoquer une REC de peur lorsque l'animal les rencontre.

  • Un chien est victime d'un accident de voiture.
  • La vue d'une automobile provoque chez lui une REC de peur.

Un chien de chasse qui, au départ, n'a pas peur des coups de fusil, peut, par apprentissage, développer une phobie s'il est blessé par un tireur imprudent.

Expérimentalement, on peut apprendre à un chat, par conditionnement classique, à fléchir un membre en réponse à un stimulus lumineux associé à un stimulus électrique douloureux.

  • La douleur engendre, en plus de la flexion, une réaction émotionnelle, constatée par des signes comportementaux et physiologiques.
  • En fin de conditionnement, le stimulus lumineux acquiert non seulement le pouvoir de faire fléchir le membre mais en plus celui de déclencher une émotion.

Dans des conditions expérimentales, une REC est susceptible d'affaiblir ou de supprimer un comportement que le sujet est en train de produire.

Un rat a appris par conditionnement opérant à pousser sur un levier pour recevoir un peu de nourriture. Il effectue ce comportement à une fréquence d'autant plus importante qu'il est à jeun. Cette fréquence peut être mesurée.

  • En outre, périodiquement, un buzzer émet un son pendant 10 secondes puis s'arrête. A ce moment, le rat reçoit un choc électrique.
  • Les actions de l'animal sur le levier n'ont aucun effet, ni sur le buzzer, ni sur la survenue des chocs électriques.
  • Par conditionnement classique, le rat associe la fin du signal sonore (SC) avec le choc électrique (SI).
  • On observe que, durant les 10 secondes pendant lesquelles le buzzer fonctionne, la fréquence des poussées du rat sur le levier diminue ou même que ce comportement disparaît.

Le signal sonore entraîne une REC de peur qui provoque une suppression du comportement.

Caractéristiques des réactions émotionnelles conditionnées de peur

Les REC de peur prrésentent deux caractéristiques.


Elles sont installées très rapidement : une seule présentation suffit souvent pour que la liaison SC-SI soit établie.

C'est utile à l'animal si le stimulus est réellement dangereux.


Elles sont très difficiles à éteindre. Cette seconde particularité a été appelée par Hans Eysenck (1916-1997), l'incubation de l'anxiété.

EysenckOutre la vie quotidienne, diverses expériences mettent en évidence ces phénomènes.

Citons celle de Napalkov.

  • Chez le chien, un choc électrique induit une augmentation de la pression artérielle (50 mm Hg en plus). Après 25 présentations du stimulus aversif seul, une habituation se produit et la pression revient à la normale (même s'il y a une sonnerie avec).
  • Si on présente une seule fois un stimulus neutre, comme un son, suivi du choc électrique, on observe également une augmentation de la pression artérielle (30 à 40 mm Hg en plus).
  • Si, par la suite, on présente le son sans le faire suivre du choc électrique, on observe que la pression artérielle augmente progressivement à chaque séance. Le SN est donc devenu très rapidement, en une seule présentation, un SC.
  • L'augmentation ainsi obtenue (70 à 110 mm Hg en plus) peut se maintenir chez certains sujets pendant plus d'un an.

En conclusion, là où on s'attendrait à une extinction progressive, on assiste au contraire à une amplification du phénomène.


En résumé, nous constatons que le conditionnement classique peut élargir la gamme des stimulations qui engendrent des réponses émotionnelles, notamment de peur.

ApprentissageDifférentes formes d'apprentissageConditionnement classique
Différents types de CCLois du CCRéactions émotionnellesNeurobiologie du CC
Conditionnement opérantRenforcementsPunitionsHabituationSensibilisationImprégnationApprentissage par imitationApprentissage par observation
Apprentissage latentApprentissage par intuitionApprentissages complexes

Bibliographie
  • Giffroy J.M. (Prof. Université de Namur, Belgique) - L'apprentissage et ses applications - 3ème cycle professionnel des écoles nationales vétérinaires, Toulouse, 2000