Citation
« La thèse selon laquelle le comportement
de l'homme est essentiellement le produit d'une expérience est largement
acceptée aujourd'hui. C'est seulement lorsqu'on essaie d'expliquer
dans quelles conditions tel ou tel comportement s'apprend et à quel
moment il se manifeste que des difficultés se présentent. »
Karl Dieter Opp
L'éthologie a été marquée par la fameuse
querelle de l'inné et l'acquis, selon que les scientifiques privilégiaient
la génétique (
infos) ou les facteurs environnementaux (
infos).
1. Ce qui est inné appartient à la nature de l'être et n'est pas chez lui le résultat de ce qu'il a éprouvé, fait ou perçu depuis sa naissance (dictionnaire philosophique).
Au départ, c'est surtout René Descartes (1596-1650) qui a développé la notion d'inné, comme une opposition entre nature et culture, entre l'animal et l'homme, être pensant par excellence.
« Descartes oppose la raison qu’il
compare à « un instrument universel » au comportement
machinal de l’animal dont la sûreté, la régularité
mécanique, ou la rigidité du comportement sont les signes
à peu près certains que « c’est la nature qui
agit en eux » Ainsi entendue, la nature constitue une sorte de
principe universel d’action chez lesêtres
qui n’agissent pas par eux-mêmes et qui de ce fait sont beaucoup
moins individués que les hommes, êtres pensants. Appliqué
à l’animal (à plus forte raison aux corps physiques),
nature désigne l’existence d’un principe uniforme qui
dirige identiquement les actions et comportements des individus. L’animal
n’est pas son propre être, il n’a pas d’être
propre. Mais par inné Descartes n’entend pas quelque chose
de tout fait, comme il a eu souvent à le rappeler, il désigne
ainsi le pouvoir ou la capacité naturelle à l’esprit
de penser, c’est-à-dire de connaître les choses par des
idées, des représentations, et non d’une façon
purement sensitive et machinale. Naturel signifie ici autonome, une capacité
ou une potentialité ; ce n’est ni une détermination,
ni même une prédétermination, mais à la fois
une structuration et une ouverture. Car l’innéisme cartésien
(doctrine de la naturalité de l’esprit humain caractérisé
d’abord par la faculté de penser) ne signifie pas que l’esprit
fonctionne selon un programme qui lui aurait été donné
ou imposé, mais qu’il a la faculté de produire ses propres
représentations, et donc de construire, continuellement et non une
fois pour toutes, ou de reconstruire, de renouveler, les instruments lui
permettant de se représenter ce qui est. » Ce texte
est tiré de l'excellent article de Pierre Guenancia sur Descartes
(
infos)
2. Ce qui est acquis est ce qu'une espèce ne possédait pas tout d'abord, qui nécessite une éducation (apprentissage) ou un raisonnement inconscient (dictionnaire philosophique).
Au départ, l'inné et acquis n'étaient pas antinomiques car leurs définitions respectives étaient floues !
C'est lors de la découverte de l'hérédité biologique
que tout s'est compliqué. Pourquoi biologique ?
Au
départ, l'hérédité était une notion uniquement
juridique et désignait un « ensemble de biens qu'une personne
laisse en mourant » (1050) puis, « mode de transmission des
droits par les liens du sang » (1690) - dictionnaire étymologique
-.
Jean-Baptiste
de Lamarck (1744-1829), ainsi que ces successeurs dont le grand Charles
Darwin (1809-1882), est en faveur d'une transmission des caractères
acquis (
infos) : Lamarck décrit la transmission des habitudes et Darwin,
la transmission de l'ensemble des comportements (intelligence, instinct,
apprentissage) par sélection naturelle.
L'hérédité, à l'époque en biologie, décrivait simplement les maladies transmises des parents aux enfants (qui peuvent être, on le sait aujourd'hui, génétiques ou somatiques puisqu'à l'époque, on ne connaissait pas les microorganismes).
Or, à l'époque, on
continuait à croire, comme du temps d'Hippocrate
(460-370 av. JC) que les maladies survenaient lors d'un déséquilibre
dans les humeurs (
infos) dû à des facteurs environnementaux, comme une mauvaise
alimentation par exemple : il fut un des précurseur de la diététique
(
infos). Pour lui, les maladies ont une cause interne et une cause externe.
La théorie cellulaire n'était pas encore reconnue comme vraie et universelle bien qu'elle soit déjà ancienne.
C'est
à Robert
Hooke (1635-1703) que l'on doit la découverte des cellules en
1664 qui les observa dans du liège grâce aux premiers
microscopes créés au début du XVIIe siècle.
Sa découverte ressemblait à un gâteau de miel avec ces
" cells ", d'où le mot cellule. «
J'ai pris un beau morceau de liège sans défaut… Je coupai
avec le même canif une tranche extrêmement mince de cette même
surface supérieure lisse. Je l'ai éclairé avec une
lentille plan-convexe fortement bombée. J'ai pu alors voir parfaitement
que le petit morceau était entièrement perforé et poreux,
présentant l'aspect d'un gâteau de miel, mais que les pores
n'étaient cependant pas des vrais pores… Il m'a paru ensuite
que ces pores ou cellules n'étaient pas très longs, mais qu'il
constituaient un ensemble formé d'un nombre considérable de
petites boîtes, qui étaient séparées les unes
des autres, dans une longue série de pores, par une brève
petite paroi comme le montre la figure B qui représente ces pores
en coupe longitudinale. »
On considère Matthias Jakob Schleiden (1804-1881) et Theodor Schwann (1810-1882) comme les découvreurs de la théorie cellulaire, dans les années 1838-1839, ce qui est faux, mais leurs études ont largement contribué à leur diffusion. Tous les êtres vivants sont constitués de cellules et tout être vivant provient d'une cellule. Le noyau semble former une nouvelle cellule.
C'est pourquoi un des premiers ouvrages connus sur l'hérédité
est celui de Proper
Lucas (1808-1885) qui s'intitule : " Traité philosophique
et physiologique de l'hérédité naturelle dans les états
de santé et de maladie du système nerveux " paru
en 1847 (
infos). Dans son livre, le divers est inné et le semblable est
héréditaire.
« Nous avons retrouvé, dans la fécondité communiquée des êtres, l'activité patente des deux lois primordiales de la fécondité spontanée du globe : dans l'innéité et dans l'hérédité de la propagation, les lois d'invention et d'imitation, le semblable et le divers, de l'institution des types de l'existence… Le divers et le semblable, en se reproduisant sous le type spécifique et individuel, devaient nécessairement ramener sous les deux types du même problème. »
Puis, vers la fin du XIXe siècle, avec toutes sortes de travaux,
Karl
von Nägeli (1817-1891), Francis
Galton (1822-1911)…, on différencia de manière drastique
inné et acquis. Inné et héréditaire
sont devenus alors des synonymes.
L'histoire
de la découverte et du développement de la génétique
est étudiée dans un autre chapitre (
infos).
Puis plus tard, survint la querelle bien connue de l'inné et de l'acquis.
Le courant des éthologistes classiques (
infos), tels Konrad
Lorenz (1903-1989) et Nikolaas
Tinbergen (1907-1988), défendent la thèse évolutionniste
selon laquelle les comportements résultent de la sélection
naturelle qui ne conserve que ceux qui permettent une meilleure adaptation
de l'espèce à son milieu de vie.
La sélection naturelle est dépendante de l'hérédité : les comportements sont donc sous-tendus par des bases génétiques. Lorenz, qui a beaucoup étudié les comportements instinctifs, propose que le comportement se construit comme un immeuble suivant les plans conçus à l'avance par un architecte.
Dans son livre " Sur la formation du concept d'instinct " en 1937, il écrit : « Je ne citerai que brièvement la théorie behaviouriste de l'instinct, dont Watson est, à mon avis, le principal représentant. Il faut totalement méconnaître le comportement animal - ce qui est malheureusement le cas de bon nombre de chercheurs américains en laboratoire - pour tenter d'expliquer tous les comportements animaux comme des assemblages de réflexes conditionnés. L'existence de coordinations de mouvements innés et hautement spécialisés est globalement niée par les behaviouristes. Comme cette négation n'est due qu'à l'insuffisance de leurs connaissances, il me paraît inutile de chercher à la réfuter. »
Le
courant des behavioristes (
infos), tels que Edward
Thorndike (1874-1949), John
Broadus Watson (1878-1958) et surtout Burrhus
Frédéric Skinner (1904-1990) ont surtout privilégié
comme approche les processus d'apprentissage.
Pour les connexionnistes, l'apprentissage est la modification du comportement d'un animal résultant de son expérience.
Skinner écrit : « Aucun spécialiste du comportement animal n'a jamais soutenu que l'animal arrive au laboratoire comme une tabula rasa, que les différences entre espèces sont insignifiantes à tous les stimuli. »
Cette bataille était évidemment cruciale pour des raisons sociopolitiques.
En effet, les thèses darwiniennes de sélection naturelle ont
ouvert la porte à toutes sortes d'extrémismes radicaux : elles
peuvent cautionner le racisme, la supériorité de certains
groupes sociaux.
On ne peut pas dire que Charles
Darwin (1809-1882) soit raciste au sens vrai du terme, mais ses idées
prêtent à confusion, c'est le moins que l'on puisse dire dans
" La descendance de l'homme " (
infos).
Par
la suite, les scientifiques se sont rendu compte que cette querelle était
stérile et que les comportements ont en général des
déterminants habituellement classés en deux catégories :
L'action des gènes et de l'environnement ne s'exerce pas sur un individu, mais sur un individu à un certain stade ou moment de son développement. Autrement dit, chaque stade du développement constitue le point de départ pour atteindre le stade suivant, mais ne le détermine pas.
Soit P1, le point de départ de l'oeuf fécondé. P2, son phénotype suivant sera déterminé par :
A
l'heure actuelle, l'épigénétique se développe
: ce terme a été créé par Conrad
Hal Waddington (1905-1975), en 1942, pour nommer « la branche
de la biologie qui étudie les relations de cause à effet entre
les gènes et leurs produits, faisant apparaître le phénotype
». On peut la définir à comme « les modifications
transmissibles et réversibles de l’expression des gènes
et ne s’accompagnant pas de changements des séquences nucléotidiques.
Ce type de régulation peut cibler l’ADN, l’ARN ou les
protéines et agir au niveau du noyau ou du cytoplasme. »
Les modifications épigénétiques constituent l’un
des fondements de la diversité biologique. L'épigénétique
est venue à point nommé pour combler le vide qui existait
entre inné et acquis.
C'est comme toujours à Aristote
(382-324 av. JC) que l'on doit cette notion pour désigner la formation
d'un individu à partir d'une masse informe. Il était de ceux
qui ne croyaient pas à la préformation (
infos).
Il est donc possible que Jean-Baptiste
de Lamarck (1744-1829) et Charles
Darwin (1809-1882) prennent, en partie, leur revanche au XXIe siècle.
AristoteRené Descartes
Courant
vitaliste
Courant
neurophysiologiste
Courant
prépsychologique
Courant
behavioriste
Courant
naturaliste
Ethologie
objective
Inné-Acquis
Ethologie
précognitive
Ethologie
cognitive