Histoire de l'éthologie
Ethologie cognitive : courant précognitiviste

Citation

« La vraisemblance ne se confond pas avec la vérité, ni le réel avec sa représentation. »

Grégoire Bouillier

Sommaire

Au coeur du courant behavioriste ( infos), dans les années 30, on voit se développer des travaux qu'on peut qualifier de précurseurs en matière de cognition animale.


Edward Tolman (1886-1959) et Clark Leonard Hull (1884-1957) donneront les premières impulsions aux travaux sur la représentation animale, et ouvriront la voie à une révision du dogme behavioriste.

Précurseurs de l'éthologie cognitive

HullClark Leonard Hull (1884-1957), bien que behavioriste avéré et fervent partisan du conditionnement opérant (stimulus-réponse), a essayé d'intégrer le conditionnement classique de Pavlov à l'élaboration des comportements.

  • Il introduit les " variables intermédiaires " comme la motivation, qu'il appelle " niveau de besoin  " et la " force de l'habitude " qui permet à l'animal d'anticiper un comportement par une forme de représentation (Principles of Behavior, 1943). Il est le fondateur de qui aura une grande influence sur la psychologie par ce que l'on appelle l'école de Yale.
  • Il étudia l'hypnose et fut le maître du grand psychiatre Milton Erickson.
  • Par contre, sa vision behavioriste est à l'origine de l'échec de sa théorie.


Edward Tolman (1886-1959) est un des premiers à proposer des concepts " mentalistes " qui régissent les actions de l'animal. Il est à l'origine de l'école américaine de la " Purposive Psychology " (" psychologie intentionnelle ou téléologique "), aux théories vitalistes très affirmées ( infos).

tolmanLa notion d'apprentissage latent constitue une des contributions majeures de cet auteur en matière de cognition.

Son principe est illustré dans la figure ci-dessous résumant une expérience d'apprentissage spatial chez le rat.

  • Dans cette expérience, les rats d'un premier groupe (groupe 1) sont partiellement privés de nourriture et entraînés dès le premier jour à se diriger le plus rapidement possible, c'est-à-dire en évitant les impasses, depuis un compartiment de départ vers un compartiment d'arrivée dans lequel ils peuvent trouver une récompense alimentaire. Les rats sont ainsi entraînés quotidiennement.

Les résultats témoignent d'une amélioration progressive des performances des animaux en parfait accord avec le principe behavioriste selon lequel la force des liaisons entre S et R augmente avec le nombre d'essais récompensés.

  • Tolman inclut dans cette expérience un deuxième groupe d'animaux (groupe 2) qui ont la possibilité d'explorer le labyrinthe durant sept jours sans jamais trouver de nourriture à la sortie.

On remarque que leurs performances progressent peu au cours de la première semaine, confirmant ainsi les lois d'association entre S et R.

  • Puis, les rats du groupe 2 sont soumis aux mêmes conditions que leurs congénères du groupe 1, c'est-à-dire qu'on les récompense à la sortie du labyrinthe.


Après un seul essai récompensé, la performance des animaux s'améliore brutalement atteignant un niveau comparable à celui des animaux du groupe 1 entraînés pendant 7 jours.

Ce résultat s'accorde, en revanche, peu avec la théorie S-R qui prédit une amélioration graduelle comparable à celle observée pour le groupe 1.


Tolman en déduit que les animaux ont appris quelque chose (configuration du labyrinthe), c'est-à-dire
qu'ils sont capables d'élaborer une carte cognitive du dispositif (carte relative aux lieux et aux trajets permettant de les relier).

Cette connaissance est restée cachée tant que les rats n'ont pas été récompensés, d'où le nom de latent à cet apprentissage. Cette expérience remet en cause la loi de la répétition ( infos) décrite par Edward Thorndike (1874-1949).

Ethologie cognitive

Applications aux théories de l'apprentissage

Les théories cognitives considèrent que le connexionnisme ou behaviorisme ( infos) est seulement une des nombreuses manières permettant d'expliquer le comportement.


Il existe également, chez toute espèce animale, des processus internes non observables et non isomorphes à des liens stimulus-stimulus (conditionnement classique) ou stimulus-réponse (conditionnement opérant) qui déterminent aussi les comportements.

  • Singe pensantUn savoir peut être acquis qui ne se traduit pas nécessairement toujours par une modification du comportement.
  • Pour elles, le comportement est contrôlé non par les événements concrets de l'environnement, mais par l'intégration de ces événements à des structures internes. En effet, l'individu ajoute aux stimuli, objets ou événements, des éléments d'organisation qui ne sont pas fournis d'emblée.

Les travaux de Edward Tolman (1886-1959) (cf. plus haut), et ceux qui suivront souligneront la nécessité d'introduire entre le stimulus et la réponse des " variables intermédiaires ".

  • La notion de variable intermédiaire désigne les processus, généralement non observables du point de vue de l'expérimentateur, qui modulent les relations entre un stimulus et la réponse d'un organisme à ce stimulus.
  • Les facultés de représentation en sont le prototype même, elles signent la capacité d'un animal de réactiver et utiliser une information qui n'est pas immédiatement disponible dans son environnement.

Elles impliquent une capacité à former une trace d'un stimulus, autrement dit à le conserver en mémoire et à réactiver mentalement ce stimulus rencontré préalablement (Vauclair, 1996).


Ils y pensentL'animal a les capacités de catégoriser son environnement et de se le représenter. L'apprentissage, par exemple, est une variable intermédiaire ( infos).


Pour les cognitivistes, l'apprentissage est une modification des représentations que se fait l'animal de son milieu. Par l'apprentissage, il acquiert des connaissances sur des régularités existant dans son environnement, ce qui peut provoquer une modification du comportement ou non.

Dans la description des formes d'apprentissage, nous citerons quelques exemples d'interprétations théoriques qui illustrent les différences entre ces deux théories ( infos).

Pour les connexionnistes comme pour les cognitivistes, la loi de la parcimonie ou canon de Morgan doit être respectée.

AristoteRené DescartesCourant vitalisteCourant neurophysiologiste
Courant prépsychologiqueCourant behavioristeCourant naturaliste
Ethologie objectiveInné-Acquis
Ethologie précognitiveEthologie cognitive

Bibliographie
  • Gheusi G. - La cognition animale - 3ème cycle professionnel des écoles nationales vétérinaires - Toulouse 2000
  • de Witt Hendrick C.D. - Histoire du développement et de la biologie - Volume, I, II, III - Presses polytechniques et universitaires romandes, Paris, 404, 460 et 635 p., 1992, 1993 et 1994
  • Eibl-Eibesfeldt I. - Ethologie - Biologie du comportement - Naturalia et Biologica Editions scientifiques Paris, 576 p., 1972
  • Bensch - Présentation de l'éthologie et des comportements - 3ème cycle professionnel des écoles nationales vétérinaires - Toulouse 2000
  • Campan R., Scapini F. - Ethologie, approche systémique du comportement - De Boeck Université, Bruxelles, 737 p., 2002
  • Université d'Oxford - Dictionnaire du comportement animal - Robert Laffont, Paris, 1013 p., 1990
  • Immelmann K. - Dictionnaire de l'éthologie - Pierre Mardaga Editeur, Liège, 296 p., 1990